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À l’ESPE de Rennes : former les enseignants aux relations avec tous les parents

Rapprocher l’école et les familles vivant dans la grande pauvreté : l’École Supérieure du Professorat et de l’Éducation (ESPE) de Bretagne, qui prépare les futurs enseignants à leur métier, est prête à relever le défi.

Pour ses quelques 800 à 1000 étudiants de première année, elle propose une formation sur le sujet, en s’appuyant notamment sur le projet mené par ATD Quart Monde de 2007 à 2011 dans le quartier de Maurepas à Rennes (voir ci-dessous). « On peut former les enseignants à des élèves idéaux, mais à l’ESPE de Bretagne, nous avons choisi de les former en ayant aussi en vue les 20% d’élèves qui ne réussissent pas, explique Hervé Kérivel, le directeur adjoint. Nous avons ainsi voulu qu’il y ait partout une entrée prenant en compte la diversité des élèves et les difficultés scolaires. D’où l’importance de traiter des relations avec les familles en précarité sociale. »

Hervé Kérivel
Hervé Kériv el

Depuis l’an dernier, tous les étudiants de première année de Master – futurs profs de primaire, de secondaire, CPE (conseillers principaux d’éducation), etc. – suivent un module de 4 heures sur le thème des familles et l’école : 2 heures de cours magistral et 2 heures de travaux dirigés durant lesquelles les formateurs insistent sur les parents les plus éloignés. Pour cela, ils s’appuient sur l’outil « Familles, école, grande pauvreté : quand parents et enseignants s’en mêlent » – témoignages, vidéos… – élaboré par ATD Quart Monde en partenariat avec l’IUFM de Bretagne et mis en ligne sur le site de ressources pédagogiques Canope de Rennes. D’autres ESPE et des formateurs un peu partout en France y ont aussi recours.
En deuxième année, les étudiants qui ont passé les concours en fin de première année, enseignent à mi-temps. Ils vont dès lors beaucoup moins à l’ESPE, essentiellement pour améliorer leurs pratiques professionnelles. « Ils nous disent leurs questionnements et en fonction de cela, nous organisons des journées de formation. La prochaine portera sur le climat scolaire », explique Hervé Kérivel. Il en est prévu une sur le lien parents-familles au second semestre. « Partant d’un enseignant qui ne sait pas quoi faire face à un élève en difficulté et qui n’arrive pas à joindre ses parents, on posera la question : dialoguer avec les parents, est-ce un simple enjeu de technique professionnelle ? Ou, derrière, est-ce qu’il ne se joue pas la question de la dignité pour tous et de ce qui nous réunit ? »
Au niveau national, rien n’est prévu dans ces Masters sur les familles populaires. Pour les étudiants de Rennes, c’est donc une première ouverture, d’autant plus salutaire qu’ils en sont souvent loin. « Ils sont en majorité issus des classes moyennes et de très bons élèves », résume le directeur adjoint. Certains d’entre eux s’interrogent sur l’opportunité de cet enseignement – « est-ce bien le rôle de l’école de s’occuper de ces questions ? » Un débat qui revient régulièrement.

Loïs Lefeuvre
Loïs Lefeuvre

Loïs Lefeuvre, formateur à l’ESPE de Bretagne, est lui aussi un compagnon de route d’ATD Quart Monde. En 2005, il a été invité à une Université populaire Quart Monde – « une vraie découverte ». Il est ensuite passé par le groupe école de Rennes, animé par ATD – « on faisait travailler les enseignants stagiaires sur des récits de vie, des expériences très fortes. » Mais en 2008, la formation des profs a été démantelée sous la présidence Sarkozy. « On a alors perdu beaucoup de temps », déplore-t-il.
Avec la loi de Refondation de l’école de Vincent Peillon, adoptée le 8 juillet 2013 et qui défend l’idée d’une école inclusive, une étape a été franchie. Le 17 octobre 2013, sa ministre déléguée à la Réussite éducative George Pau-Langevin est venue à Rennes présenter une circulaire vantant la co-éducation. « Mais il reste un pas important à franchir, souligne Loïs Lefeuvre. Le projet de Maurepas a montré que la solution passait par des espaces de collaboration enseignants-parents, ces derniers étant comme des passeurs. Il faudrait une reconnaissance institutionnelle que cela fait partie du travail des professeurs. Sinon, cela restera du militantisme. »
Véronique Soulé

En France, l’impact des inégalités sociales sur la réussite scolaire est plus grand que dans d’autres pays. En 2009, plus de 75 % des élèves dont les parents sont cadres ou exercent une profession intellectuelle ont obtenu le bac général, contre 33 % pour les enfants d’ouvriers. Source : PISA 2012 (Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves).
encadré

L’ESPE de Bretagne a présenté, avec ATD Quart Monde et le site de ressources pédagogiques Canope, un projet de parcours de formation, ou m@gistère, «Familles, École, familles, grande pauvreté» qui a été retenu par le ministère de l’Éducation. Il vise à sensibiliser les personnels à la communication avec les familles éloignées de l’école et à encourager des coopérations. Prévu sur 9 heures au total, dont 6 heures en virtuel et 3 heures en présentiel, il s’appuie sur l’outil de formation « Familles, école, grande pauvreté : quand parents et enseignants s’en mêlent » issu du projet mené dans le quartier Maurepas à Rennes (http://crdp2.ac-rennes.fr/blogs/familles-ecole-grande-pauvrete).

La circulaire du 15 octobre 2013 stipule que « pour construire l’École de la réussite de tous les élèves, une coopération renforcée avec les parents, particulièrement les plus éloignés de l’institution scolaire, constitue un enjeu majeur. » Elle propose d’aider les parents les plus en difficulté à « se familiariser avec l’école », d’« encourager leur participation », de « former » les personnels éducatifs et de « développer les partenariats » avec les associations, citant l’exemple d’ATD Quart Monde.

À vous la parole

1) « Il faut que tous les enfants réussissent à l’école » Êtes-vous d’accord avec cette phrase ? Expliquez pourquoi. C’est quoi, pour vous « réussir à l’école » ? À quoi voyez-vous qu’un enfant réussit ou ne réussit pas ? Expliquez en donnant des exemples de ce que vivent Des enfants autour de vous.
2) « Pour réussir à l’école, il est très important que parents, enseignants et enfants dialoguent, mettent de l’énergie, pour trouver ensemble ce qu’il faut pour que l’enfant réussisse jusqu’au bout. » À partir de votre expérience, dites en quoi vous êtes d’accord, ou non, avec cette phrase.
Nous attendons vos réactions à Feuille de route Quart Monde, 63 rue Beaumarchais, 93100 Montreuil, ou feuillederoute@atd-quartmonde.org.

Photo du haut : Dans une école de Dole (photo F. Phliponeau)