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A l’école de la pauvreté : une co-formation à l’IRTS de Perpignan

Des étudiants en travail social ont suivi durant leur formation un temps de Croisement des savoirs et des pratiques. Une première. Reportage à Perpignan.

Ce 21 juin au matin, la petite trentaine de participants à la formation sur la question de la pauvreté s’est répartie en trois groupes, au rez-de-chaussée de l’Institut régional du travail social (IRTS) de Perpignan. Tous planchent sur le même texte d’où ils vont devoir extraire une problématique.

L’histoire, vécue par une assistante sociale stagiaire de l’école, est la suivante: une personne vient réclamer aux services départementaux son RSA, suspendu car elle ne va pas aux rendez-vous de Pôle emploi. L’assistante sociale l’enjoint de s’y rendre et lui propose des bons alimentaires. Elle repart furieuse.

Didier, Véréna et Rosette sont des militants Quart Monde, c’est-à-dire qu’ils ont connu ou qu’ils connaissent encore la grande pauvreté. Bella, du Secours Populaire, qui vit dans la précarité, complète le petit groupe. Florence, une  » alliée  » engagée à ATD Quart Monde, anime la séance. Elle écrit sur le tableau blanc les phrases clés :  » un dialogue pas assez approfondi « ,  » comprendre la détresse de Madame F. « ….

Les 20 étudiant-e-s de deuxième annés de l’IRTS qui participent à la formation – futurs assistantes sociales et éducateurs spécialisés – constituent les deux autres groupes. Dans leurs salles, on entend un autre son de cloche.

Expérimentation

Cette expérimentation en formation initiale est une première . Elle s’inscrit dans la feuille de route pour le travail social du rapport Bourguignon de juillet 2015. Suite aux états généraux du travail social,  beaucoup de centres de formations s’interrogent sur comment  » faire participer les usagers « , comme co-formateurs et au sein de leurs instances.
L’IRTS de Perpignan cherche des solutions afin de mettre en oeuvre cette participation. Pour cela, une option spécifique a été créée – un Parcours Optionnel d’Approfondissement. Et les tuteurs de stage ont suivi une co-formation.
Les trois groupes se retrouvent maintenant dans la grande salle. Installés en demi-cercle face aux animateurs – Frédéric pour ATD Quart Monde, Elsa pour l’IRTS et Noellie psychologue au Conseil Départemental 66 – , ils vont exposer les uns aux autres leur interprétation respective de la scène et les problèmes que, selon eux, elle pose.

Une étudiante présente la conclusion de son groupe :  » De quelle manière accompagner la personne pour favoriser sa mobilisation et améliorer sa situation ».

Véréna lève la main:  » Que veut dire favoriser la mobilisation ?  »

 » Mobiliser, faire tout pour que la personne puisse aller à Pôle emploi et qu’on lui restitue le RSA « , répond l’étudiante.

Les militants Quart Monde et les étudiants vont ensuite entretenir un étrange dialogue, fait de moments de rapprochement et de franches incompréhensions.

 » On est là pour se former, prendre le temps de s’écouter, souligne Frédéric, ce que les militants savent de la pauvreté peut vous aider, vous professionnels, à réfléchir. Et vice-versa.  »

Théâtre-forum

L’après-midi est consacré à du théâtre-forum, des scènes jouées à partir de situations réelles. Les participants vont travailler sur deux autres textes – l’un écrit par des militants Quart Monde, l’autre par des étudiants. Quelques-uns vont les jouer. Un moment de recul précieux et l’occasion d’imaginer comment faire mieux.

Bella et Rosette jouent Monsieur et Madame Dupont venus demander une aide d’urgence après qu’on leur ait suspendu leurs allocations d’adultes handicapés faute d’avoir fourni un formulaire. Des étudiant-e-s interprètent à tour de rôle l’assistant-e social-e qui les reçoit, Monsieur ou Madame Schmitt.

Les Dupont sont énervés. Il sont venus la veille. On leur a dit de revenir l’après-midi et on les a fait attendre. Puis ils ont dû revenir le lendemain pour s’entendre dire qu’ils n’avaient droit à rien.

Clément lève la main dans l’assistance. Il trouve Madame Schmitt trop sèche et propose de rejouer la scène. Lui se lève pour saluer le couple, s’excuse pour l’attente, explique qu’il doit passer par sa hiérarchie pour demander des bons alimentaires…Capture du 2016-08-12 11:36:23

Il est 16 heures et la séance touche à sa fin. Une certaine compréhension s’est instaurée entre les uns et les autres. Les Dupont s’adoucissent :  » Au moins là on nous a expliqué ce qu’on pouvait faire sans nous donner de faux espoirs.  »

Une autre étudiante vient jouer Madame Schmitt : elle propose de téléphoner pour accélerer le rétablissement des allocations. Les Dupont la remercient.

Véronique Soulé

Photo : les participants jouent une scène à l’IRTS de Perpignan le 21 juin (photo VS)