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A Cannes pour le prix du film ATD Quart Monde

Bella Lehmann-Berdugo, notre spécialiste cinéma, était à Cannes la semaine dernière pour trouver des films pour la 3ème édition du prix du film ATD Quart Monde « La misère sans clichés » qui aura lieu les 16 et 17 Novembre 2018 au cinéma le Méliès de Montreuil. Elle nous livre ses impressions cannoises.

La vie d’une festivalière lambda au pays du cinéma n’est pas aussi glamour qu’il y paraît. Les baskets et le parapluie s’imposent pour courir de salle en salle de projection, aux séances de huit heures trente jusqu’à celles de minuit. Le sésame est le badge d’accréditation, mais il ne garantit pas l’entrée même en faisant une queue d’une heure. Dépourvue de carte de presse, je me trouve dans la file des festivaliers de tout poil. S’il y a trois-cents journalistes prioritaires dans la file qui leur est dévolue et trois-cents places, ce sera peine perdue.

La mission est concrète : quelques jours pour dégoter in extremis des films inédits pour la 3ème édition du prix du film ATD Quart Monde « La misère sans clichés ». Heureusement, Stéphane Goudet le directeur artistique du Méliès est aussi sur le coup. La sélection définitive aura donc lieu après le 19 Mai, en concertation avec Le Méliès.

Jurys

Les jurys d’ATD Quart Monde sont formés, ils se réuniront entre fin Mai et mi- Juillet pour visionner trois films sélectionnés par le comité. Beaucoup de jeunes cinéphiles dans les groupes locaux de Bretagne, d’Alsace, de Lorraine et de Rhône-Alpes et en Ile-de-France. Parmi eux, certains ont connu ou connaissent encore des situations de grande précarité ou d’exclusion. Ils croiseront donc leurs regards en toute connaissance de cause avec ceux dont la vie est plus facile. Tous réagiront à la façon dont le cinéma d’aujourd’hui donne à voir des histoires de pauvreté, de chômage, de stigmatisation dans les banlieues, à l’école, auprès de personnes en minorité ou sujets approchants.

Paradoxe

Le paradoxe de Cannes le voilà. Pendant deux semaines des cinéphiles bien habillés, certains couverts de bijoux, seront émus de l’amitié d’un homme lépreux et d’un enfant orphelin, tous deux vivant sur une décharge (1). Ils auront versé une larme à la vue d’une famille très démunie qui survit avec des vols à l’étalage, dont la jeune fille se prostitue et qui recueille une petite fille victime de maltraitance (2). Ils auront souri au courage d’un père célibataire qui se bat sur tous les fronts : syndicaliste à l’usine auprès de collègues menacés de licenciement et parent attentif à faire la vie douce à ses jeunes enfants (3). Ils auront vibré devant l’obstination, le cran et l’intelligence des ouvriers de l’usine Perrin Industries qui doit fermer malgré un bénéfice record, leurs lourds sacrifices et les promesses, pour augmenter les bénéfices des actionnaires (4). Ils auront marché à fond dans le milieu de ces jeunes d’une cité de Marseille qui tentent de découvrir le monde et de vivre l’amour et l’amitié (5). Il faudrait évoquer beaucoup d’autres films, ceux qui parlent de droits humains, de marginalité, de parentalité, de guerre.

Et puis, les gens rentreront chez eux, reprendront une activité normale, avec ou pas un peu plus de conscience et peut-être une envie de témoigner, de faire quelque chose quelque part. Les acteurs et les actrices remballeront leurs smokings et leurs robes de rêve, remonteront dans leurs avions aux quatre coins du monde.

Bella Lehmann-Berdugo

 

(1) Yomeddine de Abu Bakr Shwaky, Egypte

(2) Une affaire de famille de Kore-Eda Hirokazu, Japon

(3) Nos Batailles de Guillaume Senez, France/Belgique

(4) En guerre de Stéphane Brizé, France

(5) Shéhérazade de Jean-Bernard Marlin, France