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Margaux Charpentier : « Quand je rentrais du travail, je n’étais capable de rien »

La France compte deux millions de travailleurs pauvres (1)

Récit de Margaux Charpentier, une volontaire permanente d’ATD Quart Monde qui vient de passer une année comme employée dans le secteur ménage-nettoyage.« La mission que m’avait confiée le Mouvement était de chercher du travail, de travailler avec mes collègues et d’apprendre d’eux et de leur expérience de vie. Le seul pouvoir que j’avais était l’écriture : j’essayais d’écrire un peu tous les jours.
Après un mois de recherche, j’ai trouvé quelques heures comme femme de chambre dans un hôtel. J’étais employée directement par l’hôtel avec un contrat d’extra. Cela a duré 15 jours. J’étais souvent appelée du jour pour le lendemain et payée au SMIC horaire. C’était difficile, je travaillais seule et ne rencontrais personne. Je finissais chaque jour avec une heure et demi de retard minimum.

Une rencontre lors d’un carrefour des métiers m’a permis de suivre une formation de femme de chambre pendant trois mois. J’ai effectué deux stages, dont le second au sein d’une équipe employée par une société de nettoyage sous-traitante d’un hôtel. J’ai rencontré là des travailleurs en grande précarité exploités à la fois par l’hôtel et par la société de nettoyage.

Je me suis ensuite inscrite dans deux agences intérim qui sous-traitent pour des sociétés de nettoyage. Ces dernières sous-traitent à leur tour pour des clients multiples au gré des devis qu’elles remportent. Je ne savais jamais un jour si je travaillerais le lendemain. Je me perdais dans les différents interlocuteurs. Devais-je appeler l’agence interim ou bien la société de nettoyage ? Pendant trois mois, j’ai nettoyé des chantiers et le Grand Stade de Lille.

Cette année m’a permis de comprendre beaucoup de la vie des travailleurs pauvres en France. Il est difficile d’élever ses enfants quand on a fait du ménage toute la journée. Quand je rentrais du travail, je n’étais capable que de manger, d’écrire un peu et de dormir.

J’ai découvert que l’esclavage moderne était réel. Que le paiement à la tâche existe encore. Qu’il est très difficile de connaître et défendre ses droits dans de telles conditions. Qu’il est difficile de trouver le courage et l’énergie de faire des démarches, de chercher un autre emploi ou un meilleur logement quand on vient de faire sept heures de ménage à genoux pour gratter des taches de peinture…

Lorsque je pense à ces moments-là, les discussions avec des collègues prennent une importance essentielle. C’est le seul moyen de se sentir exister.
Je n’ai pas rencontré beaucoup de personnes qui appréciaient leur travail. Le turn-over est important.

On peut travailler toute sa vie en tant qu’intérimaire, mais il est très difficile de tenir face à l’incertitude permanente et à l’impossibilité de prévoir demain.

J’ai appris énormément des travailleurs que j’ai rencontrés, de leurs préoccupations, de leurs motivations et de leur énergie. Ce sont des hommes et des femmes d’ombre et de courage. »

→ Et vous, savez-vous qui nettoie les locaux dans votre immeuble ou votre entreprise ? Pouvez-vous vous renseigner ? Et combien cela coûterait-il de plus que l’entretien des locaux soit fait dans des conditions de travail normales pour les employés ?