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Saandia Soufiane : « volontaire, ça vaut le coup ! »

Saandia Soufiane est originaire de Mayotte (1). Elle est depuis un peu plus d’un an volontaire permanente d’ATD Quart Monde et travaille à la dynamique enfance (2), à Paris. Elle revient sur son parcours et sa motivation avec une joie communicative. « Je suis arrivée à la bibliothèque de rue et je ne suis plus jamais repartie d’ATD Quart Monde. » Saandia se souvient de ses débuts à ATD Quart Monde avec un grand sourire. Elle a connu l’association à Rennes, où elle étudiait après avoir passé ses premières années à Mayotte. Jusqu’à ses 19 ans, elle n’avait jamais quitté son île. Après une enfance qu’elle décrit comme chaotique, elle a souhaité partir et a rapidement compris qu’elle y parviendrait grâce aux études. « J’ai toujours su m’accrocher à l’école, se rappelle-t-elle, j’aimais beaucoup ça et cela me permettait d’avoir des amis. » Aujourd’hui, en France métropolitaine depuis sept ans, elle reste très attachée à ses origines.

Une pauvreté vécue différemment

« Cette île, c’est toute une atmosphère différente, la culture, la religion… On ne vit pas de la même manière, explique-t-elle. En France, les gens qui sont dans la misère sont livrés à eux-mêmes et n’ont personne vers qui se tourner. » Avec le recul, elle mesure les avantages de la vie en communauté qu’elle a connue à Mayotte. « Quand je ne pouvais plus habiter dans un endroit, j’atterrissais ailleurs, chez un oncle, une tante… se remémore-t-elle. Le jeudi est le jour des pauvres. On sait que quelqu’un en difficulté peut venir demander de l’aide et on prévoit. Ce n’est pas dégradant, parce que c’est totalement intégré dans la culture et le fonctionnement de l’île. » Cette tradition lui a d’ailleurs permis, ainsi qu’à certains membres de sa famille, de s’en sortir.
À Paris, elle est choquée par le nombre de personnes qui vivent dehors : « Chez nous, il y avait toujours un bout de terrain libre pour construire une cabane. On ne voyait pas de personnes dormant dans la rue. »

Aux racines de son engagement

De Mayotte, elle a conservé cet attachement aux traditions dont sa foi musulmane fait partie. « Il n’est pas facile d’être musulmane en France en ce moment, reconnaît-elle. Quand on veut vivre sa foi tout en restant ouvert, on se retrouve entre deux feux. » Souvent, elle se sent incomprise par ceux qui lui demandent de réagir ou qui ont des préjugés. « J’essaie de rester fidèle à mes choix. Avec ce que j’ai vécu, j’ai mis trop de temps à trouver mon identité pour maintenant la laisser vaciller », explique Saandia. C’est un véritable moteur de son engagement : « Dans ma religion, aider le plus pauvre est au centre de la pratique de la foi. Cela peut même avoir plus de valeur que le fait de pratiquer tout court. Ça fait partie intégrante des raisons pour lesquelles j’ai atterri dans un Mouvement comme ATD Quart Monde. Je voulais m’investir dans une association non religieuse afin de garder la plus grande ouverture possible. »

L’enfance, son cheval de bataille

Elle retrouve cette ouverture à tous auprès des enfants et des alliés avec lesquels elle travaille à la dynamique enfance. « Cette année, on cherche beaucoup à ce que les enfants se rencontrent », commente-t-elle. Ayant toujours voulu travailler dans le domaine de l’enfance (elle a étudié en Angleterre et en France pour être professeur d’anglais), elle est ravie de cette première mission. « C’est équilibré, ajoute-t-elle : on a pas mal de travail de bureau mais on vit aussi des moments à l’extérieur très intenses et des relations simples et fortes avec les enfants. » C’est justement ce qui lui manquait dans l’Éducation nationale et son fonctionnement. « Il faut faire les choses avec les enfants et pas seulement pour eux, en les intégrant seulement à la fin du processus », dit-elle en regrettant que le système scolaire ne donne pas les moyens au professeur d’aider vraiment chaque enfant. « Moi aussi, je me suis rendu compte qu’il y avait un enfant dans le fond de ma classe que je n’avais jamais vu », avoue-t-elle.

Découverte permanente

À ATD Quart Monde, elle est consciente qu’elle ne travaillera pas toujours avec les enfants et l’accepte. « À l’atelier de recherche d’emploi de TAE (3)auquel je participe chaque semaine, je découvre un autre aspect du volontariat qui m’intéresse beaucoup. Et ce que les familles qui habitent la cité de promotion familiale d’ATD Quart Monde à Noisy-le-Grand ont vécu pose plein de questions. Il y a encore des choses que je ne comprends pas », avoue Saandia. Elle est donc prête à accueillir les nouvelles opportunités de rencontres et de découvertes qu’ATD Quart Monde lui offrira dans l’avenir. « Avant de devenir volontaire permanente, j’ai beaucoup travaillé sur le fait d’écouter d’abord ce qu’on me propose, explique-t-elle tout en reconnaissant rêver de partir à l’étranger. J’ai une passion pour l’étude des langues et j’aimerais les pratiquer dans les pays où on les parle. » Mais elle n’a pas vraiment le temps d’y penser avec tous les projets de cette année : le Forum du refus de la misère à la Villette en mars 2013, peut-être un camp cet été avec des enfants… « Il y a des journées dont on sort avec la migraine, mais ça vaut vraiment le coup », conclut-elle avec un sourire.

Myriam Morzelle