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Michela Marzano : « La confiance est un pari »

Extraits d’une interview de la philosophe Michela Marzano par Coralie Schaub, parue dans le journal Libération le 26 novembre 2012.

CARAVANES_sel_080326_17__400-c8ca4« On a perdu certains repères, on a oublié l’importance de la coopération et même sa signification. Par exemple, à force d’avoir joué avec le modèle du « tous contre tous », les entreprises ne savent plus comment faire travailler leurs salariés en équipe. Et ce discours managérial fait des ravages dans toute la société. Ces trente dernières années, on nous a appris qu’il fallait avoir une très grande confiance en soi et surtout ne pas faire confiance aux autres, un signe de faiblesse. Les « gagnants » étant ceux qui ont assez confiance en soi pour ne pas devoir s’appuyer sur les autres. On a réduit la confiance à une « compétence personnelle ». Ceux qui remettent systématiquement tout en question sont désormais majoritaires. C’est très grave. Cela rappelle les années 1930 et cela n’a pas l’air de s’arranger. La seule façon de s’en sortir est de retrouver un minimum de confiance mutuelle. Aucune société ne peut survivre sans ce ciment. C’est au sein d’un climat de coopération que les individus donnent le meilleur d’eux-mêmes. Remettre la coopération au premier plan ne veut pas dire nier les spécificités, les talents, les mérites de chacun. Au contraire.

[Pour retrouver cette confiance,] la clé, c’est l’éducation. Il faut reprendre le b.a.-ba dès l’école primaire, parce que l’hypercompétivité y règne déjà. Dans le monde de l’éducation, il n’est plus question que d’excellence, de compétition. Comme de performance dans le monde du travail. Le retour de la confiance prendra beaucoup de temps. Il faut s’y mettre tout de suite. Coopérer signifie reconnaître que nous dépendons les uns des autres. La confiance nous oblige à un saut dans l’inconnu. C’est un pari. [Avec la confiance, il faut] se réhabituer à entendre la vérité. »

→ Michela Marzano a contribué à l’ouvrage Tous fragiles, tous humains (éditions Albin Michel, 2011).

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