
Europe et lutte contre la pauvreté : Íñigo Méndez de Vigo : « Le chemin est tracé… »
Depuis près de 30 ans, depuis l’élection des députés européens au suffrage universel, un lien étroit existe entre le Parlement européen et Atd Quart Monde, sous la forme d’un intergroupe parlementaire dénommé « Comité Quart Monde ». Celui-ci permet aux députés qui le composent de promouvoir une approche globale de l’extrême pauvreté et de la lutte contre l’exclusion sociale dans les différentes politiques de l’Union européenne.
Son président sortant, le député espagnol Íñigo Méndez de Vigo, explique le rôle de cet intergroupe et comment celui-ci a pu, lors de la législature qui vient de s’achever, mieux faire prendre en compte la grande pauvreté et l’exclusion sociale. Homme de conviction agissant dans ce cadre institutionnel qu’est l’Europe, il nous confie : « Comme Jean Monnet, je crois surtout aux hommes. »

Comment l’Europe peut-elle faire progresser la lutte contre l’exclusion sociale et l’extrême pauvreté ?
L’Europe, à la différence d’un État, ne peut pas tout faire : elle ne peut fonctionner que dans le cadre des attributions qui lui ont été données par les États et dans le cadre des traités. Parmi les compétences de l’Union européenne, il n’y a pas de pouvoir donné aux institutions européennes pour mener une politique efficace dans ce domaine. Par contre il y a, dans ses objectifs de prospérité et du bien être pour tous, et surtout dans la défense des droits de l’Homme, un espace pour pouvoir intervenir, et cela dans toutes les politiques européennes.
En quoi l’intergroupe Comité Quart Monde peut-il faire progresser cette prise en compte ?
Nous sommes des députés convaincus qui appartenons à des nations et à des formations politiques différentes. Le but du Comité Quart Monde au niveau du Parlement européen est d’essayer de trouver un espace pour mettre la lutte contre l’exclusion sociale et l’extrême pauvreté dans les objectifs de l’Union européenne. Aujourd’hui en temps de crise, l’Union européenne doit faire de son mieux pour dépasser la crise, pour créer de la richesse, créer du travail. C’est une nécessité. Nous voulons dire : n’oublions pas l’extrême pauvreté. Même s’il n’y a pas de compétence claire et nette, il y a un espace pour agir. Je suis convaincu que maintenant que le chemin est entamé, on va progresser. Par petits pas. Finalement, c’est ça l’Europe : faire des petits pas.
Nous avons le souci au Parlement européen de partager cette préoccupation de la lutte contre l’exclusion sociale qui vient de nos concitoyens. Nous faisons en sorte que l’intergroupe soit la plate-forme où ça se fait, où se construit un consensus. C’est ainsi qu’en début de mandat, en 2004, nous avons réussi à faire inclure la lutte contre l’exclusion sociale dans la résolution du Conseil européen : c’est le seul amendement qui a été admis. Dans l’intergroupe, nous écoutons, nous informons, nous sensibilisons non seulement des parlementaires, mais aussi des hauts fonctionnaires européens.
En même temps, l’Europe s’est élargie à 27 pays dont les situations sont inégales.
J’ai perçu beaucoup d’appuis durant cette législature de la part des députés venant des pays d’Europe centrale qui nous ont rejoints durant ce mandat. Ils sont porteurs d’une culture de solidarité très forte. Je veux mentionner ici, et rendre hommage à Bronislaw Geremek, notre ancien collègue polonais et vice-président de notre intergroupe, disparu l’an passé.
Et vous-même comment avez-vous rencontré Atd Quart Monde ?
Quand je suis entré au Parlement européen en 1992, j’ai été accueilli par l’ancien président du parlement européen, José Maria Gil Robles, un grand dirigeant espagnol, un démocrate chrétien avec une dimension sociale très importante. Il m’a dirigé vers l’inter-groupe dont il était membre lui-même depuis 1989.
J’apprécie la philosophie du mouvement Atd Quart Monde : je me sens très proche des objectifs de cette lutte qu’il faut mener. Je suis en contact avec le groupe de Madrid où nous avons fait beaucoup de choses ensemble, notamment le 17 octobre. Je suis aussi en relation avec le groupe belge. À la présidence de cet intergroupe, j’ai fait de mon mieux durant ces cinq années pour impliquer les gens et être attentif à la législation qui est passée par le Parlement européen.
L’Europe peut-elle inciter les États à agir dans la lutte contre l’exclusion comme elle l’a fait dans d’autres domaines comme l’environnement?
Ah, certainement ! Je crois que la chose la plus passionnante à laquelle j’ai participé, c’est l’élaboration de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne. On a pu introduire dans cette Charte la lutte contre l’exclusion sociale grâce à l’action d’Atd Quart Monde qui avait des liens dans les différents groupes politiques du parlement. Cette Charte des droits fondamentaux est pour moi le document d’identité des Européens par rapport au monde et à eux-mêmes. Je l’ai affichée dans mon bureau, je la lis souvent. C’est une avancée phénoménale parce que cette Charte doit être respectée par la Commission dans toutes ses propositions. En y incluant un élément sur l’exclusion sociale, nous avons fait un pas immense : avec cette charte, nous avons la base juridique pour avancer.
Propos recueillis par Marie-Cécile Renoux (déléguée d’Atd Quart Monde auprès de l’Union Européenne) et Pascal Percq