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Aux Ateliers du Bocage, entreprise « insérante » : « Nous avons fait le choix de l’emploi inconditionnel, dans la durée, en CDI »

Bernard Arru est directeur des Ateliers du Bocage dans le département des Deux-Sèvres.

Vous dites que vous êtes une entreprise « insérante ». C’est-à-dire ?

Nous proposons des contrats à durée indéterminée (CDI) à des personnes à qui la société ne propose d’ordinaire que des contrats d’insertion à durée limitée. Ici, elles font la preuve qu’elles peuvent parfaitement s’intégrer dans l’entreprise. Elles ont des histoires de vie très différentes et sont françaises ou originaires d’autres pays. Cette diversité est une grande richesse dans chacun de nos ateliers.

D’où vient ce choix prioritaire du CDI ?

Les Ateliers du Bocage sont nés d’une communauté Emmaüs, donc d’une culture fondée sur l’accueil dans la durée et inconditionnel des personnes, dès lors qu’il y a de la place pour les accueillir et quelles que soient les capacités de la personne, sa culture et son origine.

Ce choix d’avoir autant de CDI ne fragilise-t-il pas l’entreprise ?

En effet, nous ne bénéficions pas d’aides de l’État pour ces CDI. Leur coût est d’environ 2000 euros par mois pour chacun, charges comprises. Avec la crise et le fait que le marché des déchets est aujourd’hui capté par des grands groupes privés qui veulent optimiser leurs activités, nous devons nous battre à tous les niveaux pour maintenir nos activités traditionnelles. Je trouve anormal, par exemple, que l’État ne réserve pas de quota officiel à l’économie solidaire pour le traitement des « D3E » (1)

De plus, certaines entreprises françaises – même celles qui se disent championnes du développement durable – nous proposent maintenant , sous prétexte de « partage des risques », des conditions de partenariat qui ne nous permettent plus de travailler normalement.

Êtes-vous une entreprise subventionnée ?

Nous avons toutes les contraintes d’une entreprise classique. Les aides de l’État que nous percevons sont la contrepartie des prestations d’accompagnement et de formation que nous réalisons pour nos salariés en contrats aidés. D’autres entreprises ne reçoivent pas ces aides car elles n’ont pas ce type de contrats.

Vous retrouvez-vous dans l’esprit du projet « L’emploi conçu comme un droit »

Je suis « tombé dedans » depuis longtemps. À Emmaüs, la règle d’or est que le travail est un droit et un devoir. Comme je l’ai dit, quand quelqu’un arrive dans une communauté Emmaüs, il y a un poste pour lui, adapté à son rythme et ses capacités, aussi longtemps qu’il le souhaite. Car le travail est ce qui construit la vie de chacun. Et il faut souvent bien plus que les deux ans accordés par les contrats d’insertion pour retrouver un équilibre que l’on a perdu.

Quel aspect de ce projet vous séduit le plus ?

Face au scandale du chômage de longue durée, nous nous sentons impuissants. Ce que je trouve très fort dans ce projet, c’est qu’il permet à chacun de s’impliquer concrètement. Ce projet n’est pas une décision administrative des pouvoirs publics, c’est une démarche de mobilisation de tous localement, y compris des entreprises, avec lesquelles les associations travaillent rarement.

Propos recueillis par Denis Prost et Jean-Christophe Sarrot

Ateliers du Bocage

Créés en 1992, les Ateliers du Bocage appartiennent à la branche Économie solidaire et insertion d’Emmaüs France. Leur activité principale est le démantèlement, la réparation et le réemploi d’ordinateurs et de téléphones portables. L’entreprise compte 250 salariés, dont un tiers en contrats aidés (emplois d’insertion (2) et emplois adaptés(3) et deux tiers en contrats à durée indéterminée ordinaires.

 

Démontons les idées reçues sur le chômage et l’emploi !

On entend parfois dire « les pauvres ne veulent pas travailler », « si l’on veut travailler, on trouve », « on devrait obliger les bénéficiaires du RSA à travailler », « on ne pourra jamais trouver du travail pour tout le monde », « contre le chômage, on a tout essayé » … Qu’en est-il exactement ?
– À lire : En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté , 190 pages, 2013, Ed. Quart Monde & Ed. de l’Atelier |

Lire aussi :
Margaux Charpentier : « quand je rentrais du travail… »

Chômage de longue durée, travail précaire…
– Le dossier de la Revue Quart Monde n°217 (2011) est consacré au thème « Un travail humain. » À lire sur www.revuequartmonde.org (rubrique Archives) ou à commander sur www.editionsquartmonde.org/

Semaines sociales de France
Réinventer le travail

C’est le thème 2013 de ce rassemblement annuel qui se tiendra les 22, 23 et 24 novembre 2013 à Lyon-Villeurbanne, Paris (Parc floral) et Strasbourg. Programme et inscription sur www.ssf-fr.org