Entrez votre recherche ci-dessous :

« Un système dans lequel on tourne en rond »

Article publié dans Feuille de route Quart Monde n°390 (décembre 2009)

Marie-France Zimmer, vosgienne, mère de deux enfants, est membre du conseil d’administration d’Atd Quart Monde France. Elle témoigne.

Marie-France, comment vivez-vous ces distributions alimentaires ?

Pendant des années, j’en ai bénéficié. Chaque fois que je pouvais arrêter d’y aller, je le faisais. Mais aujourd’hui, c’est difficile de s’en passer. En hiver, c’est ce qui vous permet de survivre et de payer vos factures d’électricité et de chauffage. Même avec ça, on a du mal à les payer.

Qu’en pensez-vous ?

Ce qui me gêne, c’est dépendre du court terme en permanence. On dit : « c’est de l’assistanat »… Ce n’est pas péjoratif. C’est de l’assistance, de l’aide. Mais ça vous enferme dans un système dans lequel on tourne en rond. Soit vous avez comme moi la chance de trouver un emploi. Soit on reste enfermé toute sa vie là-dedans.

Comment vos enfants vivent-ils cela ?

Là où j’habite, le centre de distribution est sur le chemin de l’école. Il ouvre au moment de l’école. Les enfants voient les parents de leurs copains qui font la queue… Ma fille avait un an quand j’ai commencé à aller aux Restos du cœur. Elle en a 25 aujourd’hui. La première fois que mes enfants sont venus dans un vrai restaurant avec moi, la patronne a demandé à ma fille, alors âgée de quatre ans : « C’est la première fois que tu viens au restaurant? ». Ma fille a répondu : « Non, on va aux Restaurants du cœur ! » Les gens autour ont rigolé. Moi, je n’ai pas ri. Aujourd’hui, j’en parle en souriant. Mais quand même, c’est dur. De plus en plus de jeunes vont aux distributions : c’est terrible.

Est-ce qu’on s’habitue à l’aide alimentaire, même malgré soi ?

Ce n’est pas qu’on s’habitue, c’est qu’on n’a pas le choix ! Aujourd’hui, si on n’a pas les distributions alimentaires, on ne peut pas donner à manger à ses enfants jusqu’à la fin du mois. C’est clair.

Quelle serait la solution ?

Qu’on augmente les revenus du travail et le RSA. Les gens pensent que quand on est au RSA, on est bien aidé pour payer l’électricité, le gaz, l’eau, les charges… C’est faux, et l’électricité représente une dépense souvent plus importante que l’alimentation. Il faudrait que le coût de « biens essentiels » comme le loyer, l’eau, le gaz et l’électricité ne dépasse pas
un certain pourcentage des revenus et qu’ils ne nous empêchent pas de disposer d’une sécurité de revenus pour vivre par ailleurs. Cela permettrait d’acheter à manger tous les mois, sans dépendre des distributions.

Propos recueillis par Jean-Christophe Sarrot