Entrez votre recherche ci-dessous :

La Maison des parents à Brest : miser sur les compétences des parents

Depuis octobre 2009, la Maison des parents accueille parents et enfants dans le quartier populaire de Recouvrance à Brest. Elle est née de la volonté commune d’acteurs de terrain1 d’expérimenter de nouveaux modes de rencontre entre parents et professionnels de l’éducation.

« Ici, on est chez nous »

Ce mercredi de novembre, Fabienne est venue avec ses jumeaux de quatre ans et sa fille de 17 mois. « Ici, dit-elle, tout le monde est à la même hauteur. On se sent en sécurité parce qu’on sait qu’il y a aussi des professionnels. » Nelly, 30 ans, est là avec ses trois enfants de un mois, trois ans et six ans : « On peut faire des choses qu’on ne prend pas toujours le temps de faire chez soi : montrer aux enfants qu’il y a des règles de vie, qu’on enlève ses chaussures en entrant, qu’on ne doit pas taper les autres… » Pour Brigitte, venue avec sa fille de quatre ans, « l’important c’est aussi l’échange avec d’autres parents et avec les professionnelles. Tous les parents ne sont pas pareils et c’est normal. On a différentes notions du danger, du respect, de la politesse, etc. On en parle ensemble. Savoir écouter, se sentir écouté, c’est énorme, et surtout sans être jugé. »

Soutenir sans contrôler

Une cinquantaine de familles fréquentent actuellement la Maison des parents. Les parents se sentent libres de s’exprimer et de partager leur expérience. Ce lieu est ouvert tous les jours sans adhésion et, si les parents le désirent, de façon anonyme. Il ne rend pas de comptes aux services sociaux sur les familles qui le fréquentent, même si, parfois, c’est un travailleur social qui informe ou accompagne des parents jusqu’ici.

Faire avec

Aux yeux des parents, cela fait beaucoup de différence. « C’est la première fois en 20 ans que je me suis sentie acceptée comme je suis », dit une maman. Ce qui fait la différence est aussi l’attitude des « accueillantes » de la maison : Madeleine et Marie-France, TISF2, Véronique, éducatrice de jeunes enfants, Gwenola, éducatrice spécialisée et Stéphanie, éducatrice spécialisée et coordinatrice. « Nous essayons d’être dans l’accompagnement et le « faire avec » plutôt que dans le conseil, et de favoriser l’échange entre les parents, explique Stéphanie. Ils reçoivent déjà tant de conseils de tous les côtés ! À nous de ne pas prendre trop d’espace. D’où l’intérêt de proposer différents temps d’activités et d’ateliers, où chacun peut trouver sa place. »

Le mardi, on appelle

La Maison des parents veut rompre l’isolement des parents et s’appuyer sur leurs compétences pour bâtir l’éducation de leurs enfants. Chaque mardi, l’équipe appelle les familles qu’elle n’a pas pu joindre par Internet. Régulièrement, elle a des petites intentions (mails, textos, appels) pour celles dont elle n’a pas de nouvelles. Une professionnelle cite l’exemple d’une maman qui, noyée dans les difficultés, n’arrivait pas à venir ici : « Nous l’avons appelée une fois par semaine pendant un mois et demi, puis elle est venue. Elle nous a dit : « J’ai réalisé que je comptais pour vous. » » Nous veillons à accueillir et à rester en lien avec les parents qui vivent une grande précarité, afin qu’eux aussi comprennent qu’ils ont leur place. »

Aller chercher

Mariette, ancien médecin en PMI et membre d’ATD Quart Monde, se rend régulièrement chez des mamans qui n’osent pas venir à la Maison des parents. Elle se souvient de cette mère qui a fini par se laisser convaincre après plusieurs visites et appels.

Quand l’enfant grandit, le contact se poursuit avec les parents, s’ils le désirent. Et même, précise Véronique, « quand un enfant est placé en famille d’accueil et que ses parents se retrouvent sans personne autour d’eux. » On peut venir ici avec ou sans son enfant. C’est d’abord la maison de tous les parents.

Maison des Parents1 Des parents acteurs

« La façon dont on organise ici les ateliers est très particulière, explique Mariette. Ce sont souvent des parents qui les proposent et les animent. Ils s’adressent tantôt aux enfants, tantôt aux parents seulement : utilisation du henné, réalisation d’une recette, fabrication d’un doudou, participation à un théâtre de marionnettes ou à l’apport de contines, etc. » Des parents s’impliquent aussi dans la vie collective et l’évolution de la maison. Avec Mariette, lors de réunions mensuelles, ils s’expriment librement sur les pratiques professionnelles, les relations entre parents, etc. Une fois par trimestre, des rencontres parents-professionnels de la maison permettent des croisements de regards, d’expériences et des changements. Certains parents s’investissent aussi dans l’action-recherche nationale « En associant leurs parents, tous les enfants peuvent réussir » menée avec ATD Quart Monde et l’IRDSU3 sur 23 lieux en France. Plusieurs disent combien ces participations sont formatrices et leur permettent de gagner en assurance pour aller parler à l’extérieur.

Un lieu qui crée de la solidarité

Parents et professionnelles souhaiteraient disposer d’un lieu plus grand et avec un jardin (la Maison des parents cultive déjà un jardin partagé en lien avec la Maison Pour Tous du Valy Hir). Tous aimeraient pouvoir accueillir davantage des jeunes mamans et des papas qui n’osent pas encore venir. Tous souhaitent qu’il y ait toujours plus de solidarité et de communication entre les parents, que les mentalités s’ouvrent encore davantage et que certains parents se sentent moins mis de côté par d’autres. Lorsqu’ils travaillaient sur le règlement intérieur de la maison, des parents lui ont donné un nouveau titre : « Vivre ensemble ».

Texte et photos Jean-Christophe Sarrot

Maison des Parents planning