
La confiance, une force fragile
À travers leur parcours différent, Amal et Christophe montrent comment il est possible de regagner la confiance, avec ses propres forces et accompagné par d’autres.
Christophe a longtemps été en butte avec sa tutelle, instaurée à un moment de sa vie où sa santé et sa situation étaient très difficiles. Il reconnaît qu’il ne parvient pas toujours à bien gérer son budget, mais il le tient à jour sur son ordinateur. Sa situation s’était améliorée, il était devenu aide-cuisinier, mais son régime de tutelle renforcée était toujours maintenu. Il y avait méfiance et réactions parfois vives de part et d’autre. Faute de dialogue, l’accompagnement prévu avec la tutelle était réduit à sa plus simple expression, alors que Christophe souhaitait apprendre à gérer son budget et vivre un jour de façon plus autonome.
Pendant un an, le groupe local ATD Quart Monde auquel Christophe appartient a travaillé sur les questions de tutelle. Ce travail s’est conclu par une journée avec des professionnels et le directeur de l’Union Départementale des Associations Familiales, chargée de gérer les tutelles. Chacun a pu dire les représentations qu’il avait du rôle et du comportement de l’autre. Cela a donné lieu à un vrai échange et à des changements de regards. Christophe a compris que tous les professionnels n’étaient pas contre lui et les professionnels ont mieux entrevu ses capacités à gérer son existence. Il a ensuite recontacté le directeur de l’UDAF et a fait des démarches auprès du juge qui lui ont permis de passer en tutelle allégée. Aujourd’hui, il gère lui-même ses dépenses courantes. « Avec ma nouvelle tutrice, ça se passe mieux, et j’ai plus confiance en moi », conclut-il.
« Je sais que tu es là, j’attends »
Amal vit dans l’est parisien. Elle a connu une longue période de travail stable avant de tomber malade, puis de connaître la vie sans toit ou dans des hébergements temporaires. Jusqu’à présent, ses relations avec les services sociaux sont une longue histoire d’incompréhensions, de portes fermées et d’erreurs administratives (qui ont conduit récemment à sa radiation accidentelle de la CMU).
La confiance est une voie difficile pour elle. Mais elle sait que c’est la seule qui lui permettra de vivre dignement et avec ses enfants. Il y a trois ans, elle a écrit à plusieurs associations et ATD Quart Monde est la seule qui lui a répondu. Un comité « Solidaire pour les droits »1 s’est constitué afin de l’aider à reconquérir ses droits. Une confiance mutuelle s’est instaurée. En septembre 2012, elle a enfin obtenu un logement, après un premier dossier de Droit Au Logement Opposable déposé en 2008.
Mais tout n’est pas pour autant résolu. Le découragement est parfois tellement fort qu’Amal met aussi à l’épreuve la confiance de ses amis. Françoise se souvient du jour où elle a attendu plusieurs heures dans sa voiture qu’Amal ouvre sa porte. « Je sais que tu es là, j’attends », lui disait-elle au téléphone et sur un petit mot glissé sous sa porte. Celle-ci a fini par s’ouvrir.
Amal demande souvent aux six-sept membres du comité : « Pourquoi faites-vous tout cela pour moi ? »
« Ma vie a changé, dit-elle aussi. Je ne suis plus seule face aux administrations. Le regard qu’elles ont sur moi change quand les amis sont là. Mes difficultés finissent par être entendues et vaincues et ça me tient debout, ça me réconforte. J’ai l’assurance que je peux compter sur eux, et humainement ça n’a pas de prix. C’est une force gratuite et silencieuse dont je mesure la durée infinie. »
JCS
À vous la parole
– citez une situation où vous ou une personne de votre entourage avez été l’objet d’une marque de confiance ou, au contraire, de méfiance. Expliquez les conséquences sur votre vie quotidienne.
– pour vous, que veut dire le mot « discrimination » ?
– Aujourd’hui et demain, comment pensez-vous que l’on peut apprendre à se faire confiance et faire face à la discrimination ?
Merci à l’université populaire Quart Monde de Champagne-Ardenne qui a aidé à préparer ces questions à l’occasion de sa rencontre du 29 janvier 2013 consacrée à la discrimination pour origine sociale.
Envoyez vos réponses à Feuille de route, 33 rue Bergère, 75009 Paris, ou feuillederoute@atd-quartmonde.org
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