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« Attention aux pièges. N’ayez pas honte… »

La discrimination pour origine sociale, Gaétane et Jacques Lanciaux peuvent en témoigner.

« Venez chez nous, on prendra le café », avait dit Gaétane, militante Quart Monde et membre du Mouvement depuis sept ans. Chez Gaétane et Jacques Lanciaux et leur dernier fils, c’est au bout de l’impasse, dans une ruelle à Jeumont (Nord), une ville marquée par la désindustrialisation. Un petit appartement à l’étage, trop humide, mal isolé, que Jacques a trouvé lui-même auprès d’un propriétaire particulier, faute de mieux.

Liste noire

Être « mieux logés », cela aurait été pour eux une HLM ou un logement du Pact (réseau national qui réhabilite des logements dans un but de mixité sociale) : un rêve !
« Mais ce n’est pas pour nous, on est “grillés” », dit Gaétane. « Jugés et condamnés avant même d’avoir été entendus », ajoute Jacques. Ils sont sur la liste « noire » de ceux qui n’ont droit à rien. En attente d’un logement depuis 2003. « Pas solvables… »

« Ce qui me choque le plus, c’est le regard des gens. Qui reconnaît notre valeur ? Je voudrais qu’il y ait une loi pour empêcher les gens de nous mépriser. Je voudrais que notre courage soit reconnu. Ils ne voient pas tout le boulot qu’on fait », estime Gaétane Lanciaux (photo Pascal Percq).
« Ce qui me choque le plus, c’est le regard des gens. Qui reconnaît notre valeur ? Je voudrais qu’il y ait une loi pour empêcher les gens de nous mépriser. Je voudrais que notre courage soit reconnu. Ils ne voient pas tout le boulot qu’on fait », estime Gaétane Lanciaux (photo Pascal Percq).

Ce n’est pas faux, mais ce n’est pas un argument suffisant aux yeux du ménage. « Si tous ceux qui sont au RSA n’ont pas droit aux HLM… cela ferait du monde à la rue ». Les ressources du couple sont minces : 630 euros de RSA pour trois et un loyer de 600 euros, payé à moitié par 300 euros d’allocation : il leur reste pour vivre un peu plus de trois euros par jour et par personne. Jacques est prêt pour n’importe quel emploi. Mais le travail est rare du côté de Jeumont. Il tient un manège d’auto-tamponneuses lors des Ducasses (fêtes locales dans les villages du Nord-Pas-de-Calais), à 30 euros par jour. Gaétane suit des formations et milite au Collectif du refus de la misère et à ATD Quart Monde. « Je viens de participer à une co-formation à Beauvais avec des travailleurs sociaux », dit-elle avec fierté.

Témoins

La discrimination pour raison sociale ou de pauvreté, ils en témoignent. C’est d’ailleurs ce que Gaétane a fait récemment avec la délégation d’ATD Quart Monde qui a rencontré le comité consultatif de la HALDE. « Je ne comprenais pas pourquoi on me demandait de participer à cette rencontre, explique-t-elle. J’ai raconté comment on est jetés quand on fait les démarches nous-mêmes, et comment on est mieux reçus quand on est accompagnés par quelqu’un d’ATD Quart Monde. J’ai alors compris en voyant que j’étais écoutée que mon témoignage servait à quelque chose, parce que c’est la réalité et que ça pouvait servir non seulement à moi, mais à tous ceux qui sont dans ce cas. »

Gaétane et Jacques pourraient en raconter pendant des heures de ces humiliations subies, ces promesses, ces volte-face de leurs interlocuteurs revenant sur leurs engagements, sans compter ceux qui sont sourire devant et détracteurs derrière… « On a dit que j’étais violent parce que j’ai une grosse voix », dit Jacques avec, de fait, une belle voix de basse. Vingt ans de galère, vingt ans de mensonge, vingt ans de non-reconnaissance de leurs efforts, vingt ans de misère, vingt ans de courage.

Ne pas se poser en victime

Forts de toutes ces humiliations, ils prodiguent quelques conseils…

« En premier lieu, ne pas avoir honte, rester droit : garder la tête haute », affirme Gaétane. Soigner l’apparence ? « On a tous les deux les cheveux longs… mais je ne les couperai pas pour eux ! », s’exclame Jacques en riant. Ce qui « marque » le plus ? « D’avoir été SDF… », disent-ils. « Ou d’avoir fait des bêtises quand on était jeune ». Ne pas le dire ? « Les gens le voient dans le dossier et alors c’est pire ». Un piège. « Ne rien dire, c’est tendre le bâton pour se faire taper dessus ! », dit Jacques. Comment raconter tant de fois sa vie aux uns et aux autres et faire le tri entre ce qui est bon à dire et à ne pas dire ? Leurs doutes et leur inquiétude concernent aussi les professionnels et les travailleurs  sociaux. « S’ils font un métier “social”, c’est pour nous aider, non ? Pourquoi certains nous enfoncent-ils ? », questionne Gaétane qui a en mémoire des années de négociation à propos de leurs trois autres enfants qui ont été placés.
« Surtout, recommande-t-elle, ne pas se poser en victime : ça ne marche pas. Au contraire, on vous considère comme quelqu’un d’assisté. »

Étiquetés

Ce que ne supporte pas Gaétane, « c’est qu’on soit classés, marqués, étiquetés. Être pauvre, c’est une étiquette ». Que ce soit à la mairie, aux services sociaux ou à l’école. Leur dernier « ne voulait plus aller à l’école parce que les autres élèves riaient de lui et de nous. On est considéré comme une famille à problème. On est marqué parce qu’on habite telle rue, tel quartier et pas le centre ». Jacques observe: « Il y a de la discrimination à l’égard de ceux qui viennent d’autres pays. Mais comme les gens dans l’administration ont peur d’être accusés de racistes, ils font attention. Tandis qu’avec nous, ils ne se gênent pas! Pour certains, être pauvre, c’est forcément être alcoolo. Ou pire: comme ici on est entre la Belgique de Dutroux et les accusés d’Outreau, on serait aussi des pervers! »
Dernière recommandation de Gaétane et Jacques : « Ne pas rester seuls. Agir avec d’autres : dans une association, avec ATD Quart Monde… Jouer “collectif” ! »

Pascal Percq

 

« Louez solidaire »

carre_LSjpg-6903-03b7dLa mairie de Paris propose un dispositif simple, avantageux et solidaire aux propriétaires qui souhaitent louer un logement.
« Louez solidaire » (voir http://bit.ly/ikr5zR) garantit le paiement du loyer et des charges, une remise en état du logement si nécessaire, la gestion des loyers par un organisme agréé et la possibilité de défiscalisation de ses revenus fonciers. Un dispositif semblable existe dans d’autres départements d’Île-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire, Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte-d’Azur.
Voir www.solibail.fr.