
Dans un collège de Nantes : croire en l’intelligence des élèves
Le collège La Durantière accueille une proportion importante d’élèves de milieux populaires. Il est classé en ZEP (Zone d’Éducation Prioritaire. Voir www.association-ozp.net). Des enseignants y ont mis au point une pédagogie originale. Témoignage de l’un d’eux.Face au constat que beaucoup d’élèves n’entrent pas dans les apprentissages scolaires et deviennent passifs ou accomplissent des tâches « mécaniquement » sans leur donner du sens, nous avons construit et affiné peu à peu depuis 2002 un dispositif dénommé SESA (« Seul Et Sans Aide »).
Le pari est de mettre les élèves en situation de réfléchir. Chaque leçon fonctionne comme une série d’exercices de type situation-problème à résoudre. Ces exercices sont conçus collectivement par les enseignants. Ils font appel au raisonnement des élèves plus qu’à leurs connaissances ou à des pré-requis particuliers. Une formule a été bannie de nos leçons : « Normalement, les élèves le savent ». Les élèves résolvent les exercices individuellement, en silence et sans l’intervention du professeur. Ils découvrent ainsi les notions, règles ou lois qui composent la leçon. L’absence « d’aide » pendant le travail personnel leur laisse le temps nécessaire pour inventer par eux-mêmes des manières de résoudre ces exercices à l’aide de tâtonnements. L’étape suivante consiste en une mise en commun par groupes, qui permet aux élèves de confronter leurs hypothèses mutuelles.
Nous avons gagné avec cette démarche l’entrée en réflexion de chacun. Et, compte tenu des résultats obtenus lors du travail individuel, nous avons même commencé à croire à la possibilité de renouer avec le travail de groupe – jamais nous n’avions vu nos élèves aussi volubiles sur les questions enseignées. Désormais, les élèves produisent ensemble des comptes-rendus écrits des cours.
Même si le SESA est encore trop rare, il a des effets sur le reste de nos enseignements : sur notre façon d’aider ou pas, d’exiger le silence, sur notre conviction qu’il est possible de faire réussir tous les élèves d’une classe hétérogène, en comptant sur leur intelligence.
Sylvain Marange, enseignant, militant du Snes-FSU