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Comment Mme D. a décidé de se soigner

Annie L. est infirmière dans l’une des 400 PASS de France. Elle est membre du Réseau Wresinski Santé, qui rassemble des professionnels de santé désireux de confronter leurs pratiques et réflexions en vue d’atteindre les personnes les plus pauvres. Pendant deux ans, elle a accompagné Mme D.
dans son parcours de soins.

Comment avez-vous rencontré Mme D. ?

En mars 2009, une assistante sociale a fait appel à la PASS car elle voyait Mme D., alors âgée de 48 ans, s’enfoncer un peu plus chaque jour. Son mari était décédé deux ans plus tôt, la laissant seule avec une fille (majeure). Toutes deux étaient sans emploi. Madame faisait face à des demandes d’aide incessantes de la part de son entourage (enfants mariés, frères, beau-frère…). Son expérience des privations et son extrême gentillesse la poussaient à partager le peu dont elle disposait.

De quels soins Mme D. avait-elle besoin ?

Son allocation de veuvage a été supprimée très brutalement, moins de deux ans après le décès. Elle ne pouvait désormais plus payer les obsèques de son mari, qu’elle réglait jusqu’alors à raison de 15 euros par mois. Afin d’oublier toutes ses difficultés, madame s’alcoolisait de plus en plus. L’assistante sociale était inquiète de la voir ainsi se dégrader.

Vous avez établi avec Mme D. une relation plus large
que celle qui relie en général un soignant à un soigné…

Durant six mois, nous nous sommes rencontrées tous les 15 jours. Je lui ai proposé des séances de sophrologie et elle a très vite adhéré. Celles-ci lui ont permis de se détendre, de travailler sur l’estime d’elle-même, de regarder les choses à partir d’événements et de sentiments positifs. Petit à petit, elle m’a raconté des épisodes douloureux de sa vie : son enfance durant laquelle elle allait voler des légumes dans les champs pour nourrir sa famille, puis un placement dans une institution religieuse où elle a appris à cuisiner. Elle parlait aussi de ses années heureuses avec son mari.

Le lien avec l’assistante sociale s’est-il poursuivi ?

Nous faisions le point régulièrement, Mme D., l’assistante sociale et moi. Cette assistante sociale est restée très engagée vis-à-vis de Mme D. Parallèlement, madame s’est inscrite dans des groupes d’activités axées sur le bien-être (cuisine et prise de repas en commun, sorties culturelles…).

Ces relations ont permis qu’une vraie confiance
s’installe…

Oui. Mme D. a abordé elle-même la question de l’alcool au bout de ces quelques mois, tant dans les groupes d’activités qu’à la PASS. Suite à un problème de santé aigu, elle a décidé de rencontrer un médecin alcoologue. Je l’y ai accompagnée régulièrement parce que, ayant des troubles de la marche, elle ne pouvait pas prendre le bus seule. Sa situation s’est améliorée petit à petit, elle a
repris confiance en elle. Fin 2010, je l’ai accompagnée au cimetière. Elle n’y allait plus tant elle avait honte de ne plus pouvoir payer les obsèques de son mari.

Qu’est devenue Mme D. ?

Début 2011, madame ne consommait plus d’alcool depuis plus d’un an, mais elle restait très fragile sur le plan physique. Petit à petit, elle reprenait en mains un suivi de sa santé relégué jusqu’alors au second plan. Mais elle est tombée gravement malade et elle est décédée quelques jours plus tard. Son décès a été très douloureux pour les professionnelles investies auprès d’elle. Les relations créées entre nous durant ces deux années d’accompagnement nous ont toutefois permis de soutenir les enfants
de Mme D. Ils ont pu se retrouver et rendre un bel hommage à leur mère.

Propos recueillis par Jean-Christophe Sarrot

 

Les permanences d’accès aux soins de santé (PASS) ont été créées dans les
hôpitaux par la loi contre les exclusions de 1998. Leur but est de faciliter l’accès
des personnes démunies au système de santé, dans la perspective de les conduire
le plus directement possible vers le droit commun. Voir « État des lieux des
PASS dans 23 villes où Médecins du Monde est présent » (août 2010), sur
www.atd-quartmonde.fr/etatdeslieuxdespass

Voir les études et publications du Réseau Santé sur www.atd-quartmonde.fr/Reseau-Sante

La sophrologie, fondée par le Pr Caycédo, est à la fois une science de la
conscience humaine, un art, une méthode d’entraînement de la personnalité et
une philosophie. Elle permet à la personne de mieux vivre le présent.