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« Vivre ici a du sens pour nous »

« Nous sommes des voisins comme les autres », disent Mahaut et David Rigaldiès, qui ont choisi il y a plusieurs années d’habiter dans un quartier réputé comme étant « une des copropriétés les plus
dégradées de France ».« Tout le monde ici se dit bonjour », expliquent-ils, même s’ils reconnaissent que tout n’est pas rose dans le quartier et qu’il y a ici de la violence comme dans d’autres quartiers.

Une cité particulière

Les immeubles ne dépassent guère cinq-six étages. Il ne s’agit pas d’une cité HLM. Les logements sont essentiellement des appartements privés que des familles originaires principalement d’Algérie et de Turquie habitent depuis les années 80-90. Les gens se connaissent donc bien et depuis longtemps. Cela crée de vrais liens et moins d’isolement qu’ailleurs. Les enfants jouent en liberté dehors. Une maman expliquait : « J’ai confiance. Je sais que s’il y a un problème, on viendra me prévenir. »

Être accepté par les autres habitants

Mahaut enseigne dans l’école proche et David travaille comme éducateur et il accompagne des démarches participatives associant des habitants et des professionnels. Jean, leur fils, a deux ans. Ce qui a facilité leur intégration dans le quartier, c’est leur engagement dans des actions
d’ATD Quart Monde initiées par François Guillot, volontaire de 1995 à 2007 sur la région lyonnaise, comme la bibliothèque de rue ou la Semaine de l’Avenir Partagé.

« T’habites là, maîtresse ? »

La présence de David et Mahaut surprend régulièrement l’un ou l’autre, par exemple la police, qui a brutalement contrôlé David il y a quelques mois, ou encore un élève de l’école de Mahaut, qui lui a dit récemment : « T’habites là, maîtresse ? C’est vraiment pas loin ! » « Quand je rencontre une maman d’élève en promenant Jean, explique-t-elle, je ne suis pas une institutrice qui parle à
une maman, je suis une maman qui parle à une maman. »

Gestes d’attention

David et Mahaut sont souvent témoins de gestes de solidarité entre voisins: une famille qui partage de la nourriture avec une autre par son balcon, les uns qui invitent d’autres, leur voisin Chérif qui rénove un appartement très dégradé pour une famille « vraiment dans la misère » ou entretient pour la collectivité un magnifique petit jardin rempli de fleurs et de légumes… Ces gestes discrets des habitants semblent ignorés par les institutions locales, alors qu’ils pourraient être le ciment de projets plus ambitieux dans le quartier.

fin_mai_2011_005_300bis-e1e75 « On laisse faire ceux qui décident »

Les projets associatifs dans lesquels les habitants sont vraiment acteurs sont en effet peu nombreux. La création d’une salle de prière à côté de l’église a fait naître des initiatives dans le domaine culturel et social auxquelles ont adhéré en particulier les jeunes. Mais, de façon générale, « les habitants
pensent beaucoup qu’ils n’ont pas leur mot à dire, que l’on n’attend rien d’eux, estime David. Ils se disent: “On laisse faire ceux qui décident, et après on se débrouillera”. »

 

 

Démolition-recontruction

Depuis 10 ans, un programme de démolition-reconstruction concerne les deux tiers du cœur du quartier. Seule l’école a été démolie. Les habitants ne savent pas bien quel sera leur avenir et cela crée une angoisse profonde. « Un immeuble de 12

Pour Chérif, gardien d’immeuble à Bron-Terraillon, la solidarité c’est naturel. Il considère quelqu’un qui souffre « comme quelqu’un de ma famille ». Le jardin ? « C’est un plaisir. Ça va changer le caractère des gens. » (ph. D. Rigaldiès).

étages en grande partie inhabité a sa cage d’escalier sans électricité ni ascenseur depuis des mois. Les familles relogées que l’on connaît l’ont été hors du quartier, dans des rues très difficiles. D’autres habitent encore ici, personne ne sait où elles vont s’installer. La mixité sociale, ce ne sera pas pour elles. »

Voir aussi l’étude réalisée en 2009 par des étudiants de l’école Polytechnique :
www.atd-quartmonde.fr/Operations-de-demolition-et

Vivre ici a du sens

« L’endroit où l’on vit a du sens, explique David. Quand nous allons au marché le samedi, nous aimons parler avec une telle de son stage, avec tel autre de ses démarches pour trouver un emploi… Dans notre société qui se durcit, habiter ici est aussi une manière de dire “nous nous enga-
geons concrètement, nous avons envie avec nos voisins de vivre ensemble avec nos différences”. »

Lire aussi « Réflexions sur la citoyenneté dans un quartier dit sensible », sur
www.joseph-wresinski.org/Citoyennete-et-territoire.html

Jean-Christophe Sarrot