
« Une « économie verte » doit conduire à une économie plus équitable »
Cristina Diez Saguillo est volontaire permanente du Mouvement international ATD Quart Monde, qu’elle représente aux Nations Unies à New York.
Le sommet Rio+20 prend-il suffisamment en compte la question de l’extrême pauvreté ?
Non. Le brouillon de document final de Rio+20 ne mentionne pas l’éradication de la pauvreté comme condition nécessaire du développement durable. Nous proposons plusieurs amendements à ce texte : que les personnes souffrant le plus de la dégradation de l’environnement (et en particulier les populations vivant en grande pauvreté) y soient reconnues comme ayant une expérience essentielle du développement durable ; que l’on insiste sur les moyens à mettre en œuvre pour permettre leur participation réelle aux politiques, en particulier aux suites de Rio+20 et à l’évaluation des Objectifs du Millénaire ; que les « Principes directeurs sur l’extrême pauvreté et les Droits de l’Homme » (1) soient adoptés par les Nations Unies et renforcent une approche du développement durable basée sur les Droits de l’Homme.
Pensez-vous que Rio+20 proposera de nouvelles réponses aux crises que nous traversons ?
La volonté politique des États de s’engager davantage est très faible. C’est pourquoi il faut mettre sur pied un nouveau cadre de développement fondé sur les Droits de l’Homme. Les populations et les pays très pauvres sont les plus touchés par les conséquences du réchauffement climatique, de l’envolée des prix des denrées alimentaires et des matières premières. Quand nos modes de production et de consommation pillent nos ressources naturelles et accroissent les inégalités, la croissance économique est plutôt la cause des crises que la réponse. La transition vers une « économie verte »(2) doit conduire à une économie plus équitable et non à une économie soumise au pouvoir de la finance et à la spéculation (3). Cette nouvelle économie doit avoir pour objectif de meilleures conditions de travail et une meilleure protection sociale.
Quelles propositions souhaitez-vous faire à l’occasion de ce sommet ?
Nous demandons la promotion d’une approche économique qui parte d’initiatives locales où les moyens sont utilisés pour accroître le bien-être des communautés et non pas uniquement pour faire des profits ; nous demandons la promotion du travail décent dans les stratégies de développement et la reconnaissance du droit à un environnement sain pour tous ; nous souhaitons la création d’un socle de protection sociale universelle qui inclue la santé, l’éducation et des systèmes de revenu minimum pour celles et ceux qui se retrouvent dans l’incapacité de travailler ; nous proposons que les États et les organismes mesurent l’impact des effets des politiques de développement sur les populations en grande pauvreté et aient les moyens d’y faire face ; nous demandons que la production alimentaire soit préservée dans chaque pays et que les Droits de l’Homme soient protégés dans les accords internationaux de commerce.
L’opinion publique peut-elle peser sur l’avenir des OMD ?
Une mobilisation a déjà commencé au niveau international, mais une mobilisation plus importante est nécessaire au niveau national et local dans tous les pays. Et le changement radical que nous souhaitons – permettre aux plus exclus de participer aux programmes et politiques les concernant – implique un changement complet de la façon dont les organisations travaillent d’habitude. Nous, société civile, devons progresser dans cette direction et agir avec une véritable participation de ceux qui sont le plus concernés par les enjeux du développement durable.
Propos recueillis par le site www.civicus.org
Rio 1992, les OMD et Rio+20
→ La conférence des Nations Unies de Rio 1992 avait défini 27 principes précisant ce qu’est le développement durable. Le principe 5 dit que l’élimination de la pauvreté en est une condition indispensable. Cette conférence avait aussi élaboré un « Agenda 21 » pour le XXIe siècle, contenant 2500 recommandations concrètes. Depuis, le chemin fait n’a guère été évalué car les États ne veulent pas endosser la responsabilité de ce qui n’a pas été réalisé.
→ En 2000, huit Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) ont été élaborés par un groupe d’experts afin de « délivrer nos semblables de la misère ». 189 États se sont alors engagés à les atteindre d’ici 2015, dans les domaines de la lutte contre la pauvreté, la santé, l’éducation, l’environnement…
→ En juin 2012, le sommet Rio+20 doit définir un cadre pour le développement durable. Le Secrétaire Général des Nations Unies a souhaité que ce cadre « émerge d’un processus inclusif, ouvert et transparent avec la participation de divers intervenants. »
En décembre 2009, les Nations Unies ont reconnu que « l’éradication de la pauvreté est le plus grand défi auquel est confronté le monde aujourd’hui et une condition indispensable pour parvenir à un développement durable » (résolution A/RES/64/236). Il reste à le faire reconnaître aussi par les États qui seront présents à Rio+20 et à se mettre d’accord ensemble sur des engagements à prendre dans ce domaine. Mais beaucoup d’observateurs craignent que les intérêts économiques et financiers n’empêchent de déboucher sur des Objectifs de Développement Durable ambitieux.
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