
Álvaro Iniesta : « On est important les uns pour les autres »
À Ciudad Guatemala, Álvaro Iniesta, responsable de l’atelier de recyclage, entre Doña Ester (à gauche) et Linda, volontaire guatemaltèque d’Atd Quart Monde, qui fabriquent des paniers et dessous de plat à partir de papier journal. Ph. François Phliponeau, mars 2010.
À la Casa Wresinski à Ciudad Guatemala, une douzaine de personnes fabriquent des vases, des paniers, des dessous de plat, à partir de simples feuilles de papier journal. Parmi elles, Álvaro Iniesta, délégué national d’Atd Quart Monde et responsable du Projet « Trabajar y Aprender Juntos » (« Travailler et apprendre ensemble »).
À quel rythme travaille-t-on ici ?
Un groupe d’une douzaine de personnes a démarré en janvier 2009 par des réunions, afin de définir plus précisément le projet. On avait des idées, des impératifs (notamment que les plus pauvres aient leur place), mais on voulait trouver les contours avec elles : le rythme, les indemnités… Nous n’avions que 2500 euros pour commencer. On ne pouvait donc pas prendre plus d’une douzaine de personnes, deux après-midi par semaine.
60 quetzals par semaine (6 euros) ne peuvent être la seule ressource d’une famille !
Le SMIC est à 1500 quetzals (environ 150 euros) par mois. Dès le début, le travail ici a été jugé comme un complément. S’il y a plus de commandes, on pourra faire le pari d’engagements dans le long terme, en commençant par un troisième après-midi.
Dans l’atelier, l’ambiance est excellente. Le travail sérieux n’empêche pas l’humour. Et on sent que vous les connaissez bien, personnellement.
Il y a une proximité avec les travailleurs qui dépasse le cadre du travail. Le projet ne tiendrait pas s’il n’y avait pas les visites hebdomadaires, les sorties, le 17 octobre (Journée mondiale du refus de la misère), tout ce qui fait lien entre nous et tous les membres du Mouvement Atd Quart Monde. Un projet d’artisanat comme cela ne réussit pas tout de suite. C’est important que les gens sachent qu’on ne va pas les tromper ou gagner de l’argent sur leur dos. La confiance ne se décrète pas. Elle se vit au quotidien.
Tout cela est bien sympathique. Mais est-ce efficace ?
Cette question est importante, même s’il ne faut pas réduire le projet à la production. Les travailleurs ont fait de gros progrès. On est exigeants, tout en respectant le rythme de chacun. Ce n’est pas évident car, contrairement à TAE à Noisy-le-Grand et à Antananarivo, il n’y a personne à temps plein, ce qui nuit à l’efficacité. Mais je crois que ça va marcher. Nous n’avons pas encore la capacité de réaliser une grosse production. Mais on avance bien.
Quelle est votre prochaine étape ?
On a besoin de partenaires qui nous apportent une complémentarité. Un magasin vend nos produits à Paris (le magasin Tienda Esquipulas, tenu par Ana Carillo, se trouve 20 rue Houdon à Paris (Tel. +33 (0)1 42 55 64 38 et +33 (0)6 60 16 25 43). Voir aussi www.esquipulas.fr). Nous cherchons aussi d’autres points de vente, des réseaux de solidarité au Guatemala et ailleurs. Par ailleurs, beaucoup nous demandent des avances. Faut-il aller jusqu’à l’organisation d’un vrai micro-crédit ? Je compte beaucoup sur le séminaire de Noisy en juin pour trouver des pistes.
Vous avez besoin des autres, mais d’autres pourraient prendre exemple sur vous…
Pourquoi pas ? Malgré nos fragilités, je pense que notre projet peut servir à d’autres équipes. Ce n’est pas du même niveau que TAE à Noisy et Tana, mais justement, c’est plus près de ce que pourraient faire d’autres…
Propos recueillis par François Phliponeau