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Sylvie Cognard Er Rhaimini : médecin pour prendre soin des plus démunis

Sylvie Cognard Er Rhaimini, généraliste à Angers (Maine-et-Loire), a écrit « Toubib de cité, malade du régime » (Éd. du Petit Pavé) pour dénoncer la violence que le système de santé fait aux pauvres. La voix douce contraste avec la colère de son témoignage-cri d’alarme. Une lecture à prescrire d’urgence.

Feuille de Route: Comment choisit-on d’être généraliste dans un cabinet médical où 40 % de la clientèle est à la CMU et 35 % pris en charge à 100 %?

Sylvie Cognard : J’ai été sensibilisée à la souffrance humaine assez tôt. Je suis certes issue d’un milieu favorisé mais mes parents étaient militants du Mouvement pour la Paix et ma mère, d’origine yougoslave, journaliste en radio, était engagée contre le fascisme dans son pays. Chez nous, une chambre était toujours prête pour des personnes sans-abri ou sortant de prison à qui mon frère proposait l’hospitalité. En mai 1968, j’avais 14 ans et une idée : devenir bergère. Mais une fois le Bac en poche, il fallait attendre trois ans pour intégrer la Bergerie nationale de Rambouillet. Je me suis donc inscrite en médecine à Angers en 1972. J’ai terminé en 1980 et accepté de m’installer dans un HLM du quartier Verneau, étiqueté depuis cinquante ans défavorisé. Je fréquentais alors un petit groupe de gauche post-soixanthuitard porté par l’idéal d’une médecine humaniste. Mes contacts avec l’hôpital avaient été assez durs. Associée à mes collègues, nous nous engagions à exercer une médecine proche des gens, basée sur la prévention.

FdR: Comment se sont déroulées ces 26 années dans une cité où, écrivez-vous,« la misère colle à la peau de ses habitants »?

S.C. : Au début, il m’est arrivé de tricoter tandis que les enfants du quartier dessinaient dans la salle d’attente. À partir du moment où la population a senti du respect de notre part, cela a fait boule de neige. Le quartier a beaucoup changé à cause des démolitions, mais les « déplacés » nous sont restés fidèles. Ce qui m’a tout de suite plu ici, c’est que les gens sont eux-mêmes. Je me suis mise à leur service, j’ai pris soin d’eux. Je n’ai jamais participé à la
stigmatisation de leurs maladies dues, parfois, à une mauvaise hygiène de vie ou à l’alcool. Je n’ai jamais fait la morale à personne. On m’a souvent reproché de jouer à l’assistante sociale, par exemple en me mobilisant contre des expulsions, mais ce sont bien les problèmes sociaux qui rendent les habitants malades. Conditions de vie, corps et mal-être sont liés. Si on prend le temps de creuser les symptômes, on voit des ravages dus au chômage, à des boulots très durs ou à des traumatismes anciens. Rien que le fait de pouvoir déposer sa souffrance dans un endroit où le secret est gardé, est thérapeutique. J’apporte mon savoir et mes patients m’apprennent plein de choses. Nous fonctionnons dans un échange de savoirs.

FdR: Pourquoi avez-vous choisi d’arrêter fin 2007 ?

S.C. : Avec 55 heures hebdomadaires, la paperasserie envahissante, je n’ai plus le temps de bien écouter mes patients. J’ai l’impression de me retrouver sous un rouleau compresseur. À cause du fameux « trou de la Sécurité sociale », l’Assurance-maladie a subi des réformes. On soupçonne les malades d’être des fraudeurs et des abuseurs. Toutes ces notions d’argent, cette façon de fonctionner sur la culpabilisation, la surveillance, ont fini par devenir insupportables. Je refuse de devenir une marchande de soins. Sans parler de tout ce que je risque d’avoir à cautionner : définir les troubles du comportement chez des enfants de moins de 3 ans, réclamer des franchises médicales à des personnes manquant du nécessaire, que des sans-papiers puissent être arrêtés dans mon bureau, etc. Il faut dire que je peux « déserter » car j’ai 54 ans, un mari qui travaille et deux enfants aujourd’hui autonomes. Partir est douloureux. En janvier 2008, je vais reprendre un poste de médecin dans un IMPRO (Institut médico-professionnel) et j’assurerai trois vacations au centre I.V.G. (Interruption Volontaire de Grossesse) et de contraception  du Centre hospitalier. Je continuerai d’enseigner quelques heures par an à la faculté de médecine. Ce qui me console, c’est que deux jeunes collègues, habités par la même douce folie, vont s’installer sur la cité avec mon collègue qui reste. J’engage les citoyens à entrer, eux aussi, en résistance, et à défendre leur droit à un système de santé solidaire et équitable.

Propos recueillis par Chantal Joly

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Courrier santé

Je rêve de devenir docteur

Ce ne sont pas mes parents qui m’y forcent mais tous les enfants ici travaillent. Et si nos parents n’ont rien gagné, on a juste un peu pour acheter le riz. Il faut vraiment du courage pour vivre ici. On doit brûler les ordures, on est toujours dans la fumée. Ça pique les yeux, ça fait mal aux poumons. Sous la pluie, nous nous abritons avec les sachets que nous récupérons, mais les ordures mouillées donnent des odeurs. Quand on vit ici, c’est impossible d’être en bonne santé. Malgré tout ce qu’on endure, personne ne voit notre courage, tout le monde nous repousse. Personne ne veut s’approcher de nous. Plus tard, je rêve de devenir docteur.

Message d’une petite fille de Madagascar lu le 17 octobre 2007

Les sacrifices toujours aux mêmes

« Je me permets de vous écrire pour vous faire part de mon indignation au sujet de l’augmentation de 50 centimes d’euros prévue sur chaque médicament. […] Pour les personnes qui ont des traitements tous les mois pour des maladies chroniques, pourquoi ne pas permettre le renouvellement automatique auprès du pharmacien, sans passer chez le médecin? D’autre part, pourquoi ne pas supprimer les emballages pour les comprimés, les gélules qui doivent se répercuter dans le coût de la vente du produit et prévoir d’autres présentations ? Pourquoi ne pas donner juste la quantité nécessaire au traitement ? […] Le gouvernement actuel ne réalise pas que les sacrifices sont toujours demandés aux mêmes et que l’injustice est devenue intolérable. »

Mme MJ. P. Eure-et-Loir

Les communautés, fer de lance de la lutte contre le paludisme au Mali

Kalifan Keita, petit paysan, n’a ni formation médicale, ni salaire, ni moyen de transport, à part sa petite bicyclette branlante. […] M. Keita parcourt à vélo les six villages de sa région en transportant une petite boîte blanche marquée d’une croix rouge. Lorsqu’il arrive dans un village, les femmes dont les enfants sont malades se réunissent. M. Keita sort alors ses seringues et pique le bout de l’index de chaque enfant, pour imprégner le bâtonnet d’une goutte de sang et permettre ainsi d’indiquer rapidement si l’enfant souffre ou non de paludisme. Sur les 14 tests effectués par M. Keita le jour où IRIN l’a rencontré, 12 étaient positifs. Fort de ce constat, M. Keita a remis six pilules aux mères concernées dans le cadre d’un traitement combiné à base d’artémisinine. En trois jours, tous les enfants avaient recouvré la santé. M. Keita est bénévole dans l’une des 18 communautés qui participent à un projet pilote dirigé par l’organisation Médecins sans Frontières, dans une région du Mali où le paludisme est endémique.

IRIN, 18 octobre 2007