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Poème : Liberté, égalité, fraternité

Marie-France et Samuel ont écrit ce texte à quatre mains. Tous deux ont participé en 2012 avec une trentaine de jeunes et moins jeunes à un projet d’écriture et d’enregistrement de textes. À la base de ce projet porté par la dynamique jeunesse d’ATD Quart Monde, l’envie de permettre aux jeunes d’écrire leurs rêves, leurs réalités, leurs convictions. Ce travail, soutenu par deux artistes, Lester Bilal et Sebseb, a abouti à une compilation de 18 enregistrements.

Liberté, égalité, fraternité.

Paraît que ça marche pas pour les immigrés

J’ai le teint basané depuis que je suis née.

Je n’ai pas changé,

j’ai toujours ce même nom d’étrangère.

À mon allure on s’est donné

le droit de ne pas me respecter.

À ma figure, on s’est octroyé

le droit de me nuire, de me détruire.

Je suis comme je suis,

faite à l’image de ma vie,

les yeux foncés, les cheveux ondulés.

J’en remercie la vie

J’ai le teint basané depuis que je suis née.

Je n’ai pas changé,

j’ai toujours ce même nom d’étrangère.

Alors on s’est concédé le droit de m’insulter.

De quel droit ?

Votre droit ne fait pas ma loi.

Liberté, égalité, fraternité.

Paraît que ça marche pas pour les immigrés.

Moi j’ai déjà croisé la misère.

Elle a le visage d’un fonctionnaire

Guichet « Étrangers », lundi matin.

« Désolé, plus de tickets, vous reviendrez demain. »

Ça fait cinq heures que le copain attend

et une journée de cramée pour trouver de l’argent.

Mardi matin, retour à la préfecture,

et la misère est toujours là, avec ses mots durs.

« Ça sera encore non, pas assez travaillé,

on n’a plus de places pour les étrangers. »

Moi j’ai déjà croisé la misère.

Elle ressemble à un flic vénère

qui débarque à six heures du matin

rafler la famille de mon voisin.

Liberté, égalité, fraternité.

Paraît que ça marche pas pour les immigrés.

Oui, j’ai croisé la mère misère.

C’est elle qui enferme et expulse mes frères.

Sa fille, la révolte, n’est jamais très loin.

J’crois qu’elle veut nous montrer le chemin.

Liberté, égalité, fraternité.

Paraît que ça marche pas pour les immigrés.

Marie-France Tahar, Samuel (de Rennes).

Marie-France a connu ATD Quart Monde en 1978 lorsqu’elle préparait le BAFA (Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur) . Un des formateurs connaissait une responsable de la branche jeunesse du Mouvement, Françoise Ferrand. Comme Marie-France montrait souvent ses poèmes, ils lui ont proposé d’en éditer quelques-uns avec d’autres jeunes. Cela a donné le recueil De la cité monte la poésie. Puis elle a continué à écrire. Elle participe actuellement à l’animation du Mouvement Tapori (Branche enfance d’ATD Quart Monde) à Bordeaux.