
Dépasser les stéréotypes et la discrimination
Les préjugés et la stigmatisation visant les personnes en situation de précarité et de pauvreté ont toujours existé. Parce qu’il n’y a pratiquement pas d’opportunité de rencontres libres, profondes et à égalité avec elles, ils se répandent encore aujourd’hui et encouragent une discrimination non dite et non reconnue.
Article publié dans le journal Résistances (Sept-Oct 2013)
De la stigmatisation…
Déjà, en 1790, le duc de la Rochefoucauld-Liancourt distinguait les « véritables pauvres » des « mauvais pauvres, c’est-à-dire ceux qui, connus sous le nom de mendiants de profession et de vagabonds, se refusent à tout travail, troublent l’ordre public, sont un fléau dans la société et appellent sa juste sévérité. » Aujourd’hui, diffusés par méconnaissance, crainte et incompréhension plus que par réelle idéologie, des idées reçues sur les personnes vivant en grande précarité continuent de circuler. Si elles sont pauvres, ce serait « de leur faute. » « Si elles font des enfants, c’est pour les allocations familiales. » « Ce sont des assistées qui coûtent cher à la société. » « D’ailleurs, si elles voulaient vraiment chercher du travail, elles en trouveraient. » Début 2010 à Paris, un maire d’arrondissement s’opposait à la construction de logements sociaux, prétextant « des problèmes de sécurité évidents. »
… à la discrimination
Lorsque ces préjugés conduisent certains à refuser à d’autres l’accès à un bien, un service ou un droit, on parle de « discrimination » .
Une petite fille n’est pas invitée à l’anniversaire d’une amie parce que, lui explique celle-ci, « je sais que tu ne pourras pas m’offrir de cadeau » ; un logement est refusé à une famille en grande précarité – bien que le montant de l’aide au logement couvre le montant du loyer (1)
– parce qu’elle porte sur elle les marques d’une vie difficile ; une personne bénéficiant de la CMU (Couverture Maladie Universelle), n’a pas accès à des soins ; un homme sans domicile se voit refoulé d’un salon de coiffure car sa présence pourrait troubler une cliente ; le corps d’un monsieur décédé passe la nuit dans un corbillard sur un parking et ses parents et amis ne peuvent pas se recueillir auprès de lui avant son enterrement ; les candidatures à l’embauche des habitants d’un quartier déshérité sont systématiquement refusées par les employeurs… Ces faits vécus montrent que des personnes se voient non seulement stigmatisées, mais aussi traitées différemment, en raison de la situation de pauvreté qu’elles ont subie ou qu’elles subissent.
La seule manière de dépasser ces stéréotypes et cette discrimination, c’est la rencontre. Elle ne peut pas s’effectuer dans n’importe quelles conditions. Il faut créer un terrain d’égalité et de réciprocité qui la permette. C’est toute l’ambition d’ATD Quart Monde et d’autres mouvements de lutte contre l’exclusion sociale de la rendre possible, le 17 octobre et tous les jours de l’année.