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Revenu de solidarité active : fraudeurs ?

Anne-Marie, « alliée » du Mouvement ATD Quart Monde à Toulouse, raconte une histoire qui se termine bien, mais qui aurait pu conduire une famille de cinq personnes à la rue.

Mi-juin 2013, à la suite d’un contrôle effectué plusieurs mois auparavant par la CAF, un jeune couple allocataire du RSA avec trois enfants de moins de six ans s’est vu privé de toutes ressources. Il lui était reproché de n’avoir pas déclaré des salaires perçus. Pour le Conseil général, il s’agissait d’une fraude au RSA. Il a décidé d’interrompre son versement et a envisagé de saisir le tribunal pour fraude. Il a de plus été demandé au couple de rembourser 10 000 euros de soi-disant trop perçu de prestations.

Dans le même temps, la CAF interrompait le versement des allocations familiales et de l’aide au logement. Cette famille s’est ainsi retrouvée sans autre ressource qu’une petite aide alimentaire obtenue par une assistance sociale du Conseil Général.

Alertés par la famille, nous avons essayé de cerner précisément la situation. Il est apparu qu’il y avait eu effectivement quelques salaires versés pour des missions d’intérim dans le secteur du bâtiment en 2010-2011 – il ne s’agissait pas de travail au noir. Le couple n’avait pas inscrit ces sommes dans sa déclaration trimestrielle RSA, de peur de voir celui-ci s’interrompre. Lors du contrôle, il a reconnu avoir perçu ces salaires, mais n’a pu fournir tous les justificatifs demandés par la CAF. Ces missions ne portaient que sur quelques semaines pendant ces deux ans.

Dialogue de sourds

Nous avons essayé de renouer le dialogue avec la CAF et le Conseil Général. C’était jusqu’alors un dialogue de sourds entre la famille et la CAF qui pensait qu’il y avait eu d’autres missions d’intérim avec d’autres agences. Ce n’est que lorsque nous sommes intervenus que la CAF a accepté qu’une attestation sur l’honneur du chef de famille et de l’agence d’intérim suffise à établir la situation.

Préjugés

Nous avons été impressionnés par l’importance des préjugés partagés par plusieurs agents administratifs que nous avons rencontrés. Il était clair selon eux que ce couple fraudait délibérément, qu’il travaillait au noir, prenait du bon temps avec le RSA, etc., et que cette interruption de prestations n’était « pas si grave. » D’autres agents ne partageaient pas ces préjugés et nous ont aidés à rétablir la situation. Ils ont accepté que nous accompagnions la famille lors des différents rendez-vous.

Rétablissement des droits

Le versement des prestations a repris en juillet. La CAF a annulé les demandes de remboursement sur les aides sociales. Le Conseil Général s’est rendu compte qu’il s’agissait davantage d’une erreur que d’une fraude. Il a recalculé les sommes estimées indûment perçues sur le RSA qui sont ainsi passées de 10 000 à 1 600 euros. Un plan de remboursement a été négocié avec la famille. Le Conseil général n’a pas saisi le tribunal pour fraude.
Une difficulté persiste pour la famille : celle de trouver du travail dans un bassin d’emploi où les perspectives sont quasiment inexistantes, alors que le chef de famille vient de suivre un parcours d’orientation et d’insertion de trois mois avec le soutien du Conseil régional.

Plusieurs questions

Il nous reste de nombreuses questions. Les préjugés que nous avons entendus et que certains agents expriment parfois en présence des personnes ne peuvent-ils créer des peurs chez des allocataires de prestations sociales ? Des peurs qui empêcheraient certains de comprendre et d’effectuer des démarches administratives souvent complexes ?

N’est-il pas disproportionné d’interrompre toutes les prestations, y compris l’aide au logement, en raison de salaires perçus d’un montant très faible ? Le Conseil général et la CAF n’ont-ils pas d’autres moyens que de faire cela sans se préoccuper des répercussions sur l’ensemble de la famille ?

Dans cette histoire, le principe du débat contradictoire n’a pas été respecté. Le rapport du contrôle de la CAF n’a jamais été communiqué à la famille. De manière générale, il est difficile de comprendre toute la réglementation, de savoir quels documents fournir, etc.

Il y a deux choses que nous avons dites au final à la famille : il vaut  toujours mieux répondre à un courrier administratif et une activité salarié ponctuelle ne supprime pas le RSA. Son montant peut être diminué, mais le droit subsiste.