
Discrimination et pauvreté : halte à la « double peine » : il faut un vingtième critère
Le Défenseur des Droits, la CNCDH (1) et le mouvement ATD Quart Monde viennent de demander au Parlement l’inscription dans la loi d’un critère de discrimination fondé sur la précarité sociale. Inscrire dans la loi ce nouveau motif de discrimination pour qu’il soit officiellement reconnu et réprimé (2) n’a pas pour but d’engorger les tribunaux. « Les personnes concernées ne sont pas des acharnées des tribunaux, explique Pierre-Yves Madignier, président d’ATD Quart Monde en France. La finalité la plus haute de la reconnaissance de la discrimination pour précarité sociale est, dans le droit fil de la loi de 1998 contre les exclusions, de donner des repères civiques à chacun, de jouer son rôle dans l’éducation de tous à la vie en commun, de permettre à un enfant qui se fait traiter de « cas soc’ » dans une cour de récréation de savoir que de tels propos sont réprouvés. »
La CNCDH estime elle aussi que « l’introduction de ce vingtième critère serait en effet une avancée majeure permettant de faire cesser l’humiliation subie au quotidien par les personnes vivant dans des conditions de grande précarité, trop souvent victimes de présomption d’incapacité ou de différence de traitements. »
M. Dominique Baudis, Défenseur des Droits, a, de son côté, invité le 13 septembre l’Assemblée nationale et le Sénat à se saisir de cette question de la discrimination pour cause de précarité.
Dans l’ « Enquête sur les discriminations ressenties par les demandeurs d’emploi » publiée le 7 octobre 2013 par le Défenseur des Droits, l’IFOP et l’Organisation internationale du travail, il apparaît que « la situation de pauvreté est le seul critère davantage évoqué comme potentiellement discriminant par les demandeurs d’emploi issus des zones urbaines sensibles par rapport à la moyenne nationale. »
C’est ce que confirment des tests effectués en avril-juillet 2013 par ATD Quart Monde et ISM-Corum, qui montrent que, pour des candidatures spontanées à des emplois d’opérateur de caisse dans la grande distribution, il existe un écart de 30 points entre un candidat « non défavorisé » et un candidat « défavorisé » (3). Voir le livre blanc d’ATD
Si l’on rapproche ces tests d’autres enquêtes qui montrent que les bénéficiaires de la couverture maladie universelle se heurtent plus souvent que d’autres à des refus de soins, et des enquêtes qui montrent que, lorsqu’on habite un quartier défavorisé, on a moins de chance d’obtenir un entretien d’embauche ou un emploi, on en conclut que les personnes en situation de précarité sociale ne sont pas, dans bien des cas, traitées de la même manière que les autres. C’est donc bien une discrimination.