
Des « savoirs d’action » pour mieux coopérer à l’école
14 enseignants effectuent depuis plusieurs mois avec ATD Quart Monde et l’Université de Tours un travail de recherche sur le thème « Savoirs et coopération à l’école ». Trois d’entre eux nous le présentent ici.Nous sommes partis de cette question : « Est-ce que la rencontre avec des personnes très pauvres a une incidence sur notre manière d’enseigner en primaire et en secondaire ? » Chacun(e) de nous a été ou est enseignant(e) et a vécu ou vit encore un engagement avec ATD Quart Monde. Nous avons identifié 21 pratiques communes, que nous avons nommées « savoirs d’action » et regroupées en sept domaines que nous avons appelés des «clefs pouvant ouvrir une porte qui» bloque parfois l’élève dans sa réussite.
Sept clefs
La première clef, c’est créer des espaces de vrai dialogue et de partage de savoir entre et avec les élèves, et aussi avec leurs parents. La deuxième clef, c’est instituer et faire respecter des règles claires au service de la réussite de tous les élèves. La troisième, c’est prendre le parti de la valorisation de l’élève le plus exclu. La quatrième clef, c’est restaurer la confiance par des projets avec différents partenaires. La cinquième, instaurer les liens entre l’expérience personnelle, intime, familiale, et l’apprentissage en milieu scolaire. La sixième, c’est reconnaître le rôle de l’implication de la personne dans l’enseignement. La septième, c’est agir en personne capable de remettre en cause sa pratique afin de l’améliorer.
Les « savoirs d’action »
Qu’est-ce qu’un «savoir d’action» ?
Prenons un exemple. Une maman est invitée à venir à l’école depuis plusieurs années et ne vient jamais. Cécile, une enseignante, ne se décourage pas. Elle lui donne un jour rendez-vous à 16h30.
La maman ne vient pas. Cécile reste dans la classe et laisse la porte ouverte.
Au bout d’une heure, elle voit arriver la maman. Elle va vers elle et lui dit : « Je suis contente de vous voir ! »
Lorsque l’on raconte cette histoire à d’autres collègues, la plupart disent :
« Une heure d’attente ? Faut pas exagérer quand même ! » Où Cécile a-t-elle appris à se comporter ainsi ? Elle-même dit :
«Cela n’a rien d’exceptionnel, il n’y a rien à dire. » Mais notre travail de recherche nous a permis d’identifier
qu’il y a là un « savoir d’action ». Cécile raconte, que, lorsqu’elle était jeune, elle a connu dans une bibliothèque de rue une famille qui n’ouvrait jamais sa porte.
Sans se décourager, la responsable de la bibliothèque de rue lui glissait chaque semaine quelques livres par sa boîte aux lettres. Et un jour, la porte s’est ouverte, la maman et les enfants sont venus. Cela a laissé des traces dans la vie de Cécile et dans sa manière d’enseigner.
La clef no6
Les enseignants qui, comme Cécile, ont vécu une rencontre avec des personnes vivant la grande pauvreté, mettent en œuvre de tels savoirs d’action. Par exemple, pour la clef no6 (reconnaître le rôle de l’implication de la personne dans l’enseignement), nous en avons identifié trois. Le premier consiste à établir un lien entre l’implication de l’enseignant et les apprentissages. Le deuxième est de savoir rejoindre l’élève dans sa dimension émotionnelle pour lui permettre de grandir. Le troisième est de refuser les étiquettes et les préjugés pour valoriser la personne de l’élève.
Transmettre ces savoirs
Il faut encourager les espaces où les enseignants peuvent réfléchir ensemble, rencontrer des personnes différentes, prendre conscience de leurs gestes professionnels, de ceux qui ne réussissent pas mais aussi de ceux qui réussissent, afin de les partager ensemble et de s’enrichir. Et, bien sûr, ces savoirs d’action doivent être pris en compte dans la formation des enseignants.
Mahaut Rigaldiès, Agnès Sulmont et Vincent Massart
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