
« Comme si nous étions rayés de cette planète »
« La misère est violence. Rompre le silence. Bâtir la paix » constitue à la fois le coeur et le fil rouge d’une recherche menée par le Mouvement ATD Quart Monde dans 25 pays (Voir www.atd-quartmonde.org/-Violence-et-paix).
Les acteurs ont été des personnes en situation de grande pauvreté, d’autres membres du Mouvement et des chercheurs du monde universitaire. Engagés dans une démarche de « Croisement des Savoirs », ils ont travaillé trois années ensemble. Leurs conclusions sont sans appel : « La misère, ce sont des injustices et des violences dans tous les sens. »
– Violence de l’oubli par nos sociétés des souffrances endurées par des familles de génération en génération. Des enfants, des jeunes, des adultes méprisés et traités « comme si nous n’étions plus des êtres humains. » Des quartiers, des villages, des communautés entières abandonnées au sein de la vie économique, sociale et environnementale « comme si nous étions rayés de cette planète. »
– Violence institutionnelle engendrée par des politiques se contentant seulement de réduire la pauvreté, à l’exemple des Objectifs du Millénaire pour le Développement, au lieu de mettre en œuvre des politiques globales basées sur l’ensemble des Droits de l’Homme.
– Violence de l’ignorance du courage et des savoirs de celles et ceux qui cherchent à résister face à la violence de la misère et tentent jour et nuit de bâtir la paix dans leur voisinage : contribution essentielle des très pauvres à la paix dans le monde.
La recherche réalisée met en lumière combien cet apport reste méconnu et non-reconnu ! D’où l’urgence de « Rompre le silence ». Non pas les uns contre les autres, en provoquant plus de violence encore, mais en créant les conditions d’une rencontre où réfléchir, agir et vivre ensemble autrement deviennent possibles entre tous. La Journée mondiale du refus de la misère est comme une grande fenêtre qui s’ouvre sur ce chantier mondial en cours ! Le thème du prochain 17 octobre, inspiré des travaux menés ces dernières années, est un formidable encouragement. Il s’intitule : « Mettre fin à la violence de la misère : s’appuyer sur les capacités de tous pour bâtir la paix. »
Plus qu’au sein des compromis obtenus à Rio + 20, c’est au cœur de ce chantier, qui ne cesse de lier de plus en plus de personnes dans leurs engagements et leurs intelligences inédites, que germe la paix. Au-delà de toutes les frontières visibles et invisibles, cette paix constitue la ressource et le bien commun planétaire le plus précieux. Notre responsabilité est de le léguer aux générations à venir. Ce texte a été publié dans la Lettre aux amis du monde en juin 2012 et est disponible sur www.refuserlamisere.org
Eugen Brand