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25 mai : élections européennes : des propositions pour que l’Europe avance

L’Europe peut faire reculer la pauvreté. Certaines de ses décisions changent notre quotidien. Pendant plusieurs mois, des personnes vivant l’exclusion sociale dans une dizaine de pays se sont réunies avec des personnes solidaires, dont certaines ayant des responsabilités au niveau européen. Elles ont réussi à faire des propositions communes. En voici l’essentiel.

Un préalable : exister juridiquement
De nombreuses personnes en Europe n’ont pas d’existence légale reconnue : certains migrants, Roms, demandeurs d’asile, mais aussi des personnes sans domicile, vivant à la rue ou dans des campings, qui sont comme des clandestins dans leur propre pays. Elles n’ont dès lors accès à aucun droit (participation, travail, logement, droit de vote…) et ne sont pas prises en compte dans les statistiques.
Nous demandons à l’Union européenne de garantir à toute personne vivant sur son territoire le droit à une existence légale.

Le droit à l’éducation et à des connaissances de base
Tous les enfants doivent pouvoir apprendre et réussir à l’école et avoir les mêmes chances face à l’avenir.
→ Le constat
Trop souvent, les enfants de milieu défavorisé sont orientés vers l’enseignement spécialisé, parfois dès la maternelle. « Il est très courant en Allemagne d’être stigmatisé comme « dur à éduquer » ou « handicapé d’apprentissage », comme si c’était une maladie et que nous ne pouvions pas apprendre. »
Le décrochage scolaire est  important parmi les jeunes en situation de pauvreté.
75 millions de personnes en Europe ne possèdent pas les compétences nécessaires pour fonctionner de manière autonome dans une société moderne1.
→ Ce que fait l’Europe
L’Union européenne a fait de la lutte contre l’abandon scolaire l’un des grands objectifs de sa Stratégie 2020. « Des financements européens existent, mais ces projets durent un an et après c’est fini, et ils doivent être innovants à chaque fois. Nous avons besoin d’être dans la continuité, sur du long terme. » Réseau « Lire et écrire »,  Allemagne
→ Il faut aller plus loin
Pour permettre la réussite de tous les enfants, l’école doit encourager une réelle coopération entre tous les parents, les enseignants et les enfants. Cet objectif ne peut être atteint que si les enseignants sont formés au dialogue avec les parents.
Et chacun a le droit d’avoir une deuxième chance pour acquérir des connaissances de base.
→ Nos demandes
Nous demandons à l’Union européenne, dans le cadre de sa stratégie de lutte contre le décrochage scolaire, d’engager tous les États à assurer une école qui offre les mêmes opportunités et la même qualité pour tous, en évitant l’orientation précoce et une hiérarchie entre filières qui renforcent les inégalités.
Nous demandons à l’Union européenne de soutenir des programmes de lutte contre l’illettrisme de durée suffisante pour permettre à tout jeune ou tout adulte d’acquérir les connaissances de base.

L’emploi décent : un droit ou un privilège ?
Un emploi décent est un droit qui répond à un besoin humain fondamental. Dans l’Europe d’aujourd’hui, c’est devenu un privilège qui reste hors de portée de nombreuses personnes.
« Brigitte a eu un accident de travail. Comme c’était au noir, le patron n’a pas osé appeler les secours, et elle est morte. […] C’est une situation aussi partagée par les personnes sans-papiers : les conditions de vie font que tu n’as pas d’autre choix que le travail au noir, l’exploitation. »
→ Le constat
Quand elles ne subissent pas le chômage de longue durée, les personnes se retrouvent enfermées dans du travail au noir ou des contrats très précaires qui aggravent leur vulnérabilité en les plaçant à la marge des systèmes de protection sociale.
Le chômage des jeunes représente un défi énorme. Ces jeunes se sentent exclus. Pour ceux qui ont le plus de difficultés, le travail devient un rêve inaccessible. Ces jeunes doivent avoir accès à des programmes de formation, d’emploi, avec un accompagnement de qualité et des ressources suffisantes pour vivre.
→ Ce que fait l’Europe
Consciente de ces défis, l’Union européenne a adopté la Recommandation relative à l’inclusion active des personnes exclues du marché du travail. Elle a placé l’emploi au cœur de la Stratégie 2020 et a mis en place la recommandation sur la Garantie pour la Jeunesse. Par cette Garantie, les États membres s’engagent à ce que tous les jeunes jusqu’à 25 ans se voient proposer une offre d’emploi, une formation ou un stage dans les quatre mois suivant leur sortie de l’enseignement ou la perte de leur emploi.
→ Il faut aller plus loin
Ces dispositions ne sont pas contraignantes et elles ne garantissent pas que ceux qui en ont le plus besoin en bénéficient prioritairement.
→ Nos demandes
Nous demandons à l’Union européenne que la Recommandation sur la Garantie pour la jeunesse devienne une directive2 afin d’être contraignante pour les États membres et que les plans de garantie visent en priorité les jeunes les plus en difficulté.
Nous demandons à l’Union européenne et aux États membres d’inclure dans toutes les politiques pour l’emploi un accompagnement de qualité pour soutenir des parcours individualisés permettant à chacun de réaliser son projet et d’accéder à un emploi décent.
Nous demandons que soit soutenue la création d’emplois décents permettant aux personnes éloignées du marché du travail et sans aucune qualification de retrouver une utilité à travers un travail reconnu.
Nous demandons que soient mis en place des mécanismes de reconnaissance des compétences acquises de façon informelle.

Des moyens convenables d’existence
La réalité actuelle de l’extrême pauvreté montre que les droits fondamentaux ne sont pas garantis pour tous en Europe.
L’une des conséquences de l’exclusion sociale est l’éclatement de l’unité familiale. « Quand tu perds ton logement, il y a une intervention des institutions qui au lieu d’aider à garder l’énergie et l’unité familiale détruit et sépare. Quand on t’enlève tes enfants, après c’est presque impossible de les récupérer. »
→ Le constat
Le manque persistant de logement, de travail ou de revenus empêche les personnes d’assumer durablement leurs responsabilités familiales, sociales et professionnelles. Pour accéder à l’ouverture ou au maintien d’un droit, les conditions qui leur sont imposées sont souvent insurmontables, et les démarches compliquées et longues.
Alors, le quotidien se réduit à un effort permanent en quête d’un minimum de sécurité et de l’accès effectif à des droits pourtant reconnus dans les lois.
« Pour la plupart des gens, les droits de base sont servis sur un plateau alors que d’autres doivent lutter sans relâche pour y accéder. »
Les logiques de spéculation et d’enrichissement qui dominent nos sociétés font pression sur le logement, le travail, la formation et empêchent d’y accéder.
Les moyens convenables d’existence ne se réduisent pas à un revenu, mais dépendent aussi de la possibilité d’accès à des services publics de qualité à un coût abordable.
→ Ce que fait l’Europe
L’Union européenne a mis en place des initiatives pour faire face à ces situations, dont la recommandation « Investir dans l’enfance » ou celle sur l’« Inclusion active ».
→ Il faut aller plus loin
Il est essentiel que l’Union européenne engage les États membres à mettre en œuvre ces recommandations et à en évaluer les résultats avec les personnes concernées.
→ Nos demandes
Nous demandons à l’Union européenne de mettre en place une directive sur des moyens convenables d’existence qui inclue un revenu minimum décent dans tous les pays membres et qui prenne en compte le coût du logement.

Protéger les droits fondamentaux
Nous demandons que dans le programme de travail pluriannuel de l’Agence des droits fondamentaux3 figure explicitement la possibilité d’examiner les violations de droits et les discriminations liées aux situations d’extrême pauvreté, en associant les personnes vivant ces situations.
Nous demandons qu’à court terme, tous les États ratifient la Charte sociale européenne et acceptent les articles 30 (droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale) et 31 (droit au logement), et la procédure de réclamation collective, et qu’à moyen terme, l’Union européenne adhère à cette Charte.

Penser ensemble les politiques
Le dialogue entre l’Union européenne et les personnes vivant dans la grande pauvreté est indispensable pour faire reculer la pauvreté en Europe.
→ Le constat
« Nous ne sommes que très rarement sollicités pour chercher des solutions. Lorsque nous le sommes, c’est généralement pour nous demander des témoignages et non pour construire ensemble. Alors, le plus souvent, les solutions proposées se retournent contre nous ou cachent les vrais problèmes. »
« Nous sommes ici en Europe et nous voulons contribuer à construire une Europe plus juste. » Délégation de Belgique, Centre des demandeurs d’asile de Natoye
→ Ce que fait l’Europe
« La Commission européenne est consciente que certaines de ses consultations sont trop techniques. Les modalités, le contenu, le jargon utilisé les rendent peu accessibles et le temps donné pour y répondre n’est pas suffisant. Une amélioration de ces méthodes de consultation est en cours. » Brigitte Degen, administratrice à la Commission européenne
→ Il faut aller plus loin
« Ce qui manque, c’est que les décideurs politiques en Europe aillent à la rencontre de ces personnes, aillent les voir chez elles, voir quelles sont leurs expériences, comment elles vivent. »
→ Nos demandes
Nous demandons à l’Union européenne et aux États membres d’établir des espaces permanents de dialogue avec les personnes ayant l’expérience de la grande pauvreté, afin d’assurer la contribution des personnes concernées à la définition des politiques et à l’évaluation des résultats.
Nous demandons à l’Union européenne d’engager les États membres à évaluer l’impact de leurs politiques économiques sur la croissance, l’emploi et la pauvreté. Nous demandons à l’Union européenne de faire de même pour les décisions prises au niveau européen.
Nous demandons que les fonctionnaires et les professionnels chargés de la mise en œuvre des politiques soient formés pour comprendre et agir en partenariat avec les personnes les plus en difficulté.
Nous demandons que, lorsque l’Union européenne finance des actions, les critères d’allocation des fonds soient réfléchis avec les personnes concernées, afin de concentrer l’argent sur les questions essentielles et d’éviter le gaspillage.

Isabelle-Perrin« Nous espérons fortement qu’au sein du Parlement européen, des députés de tous partis pourront continuer à s’investir avec détermination, car la grande pauvreté n’est pas une question marginale. C’est une question cruciale pour l’Europe : il ne peut pas y avoir d’Europe de la démocratie, de la paix, des droits de l’homme, tant que la misère existe en son sein.
Le monde est à la recherche de nouveaux objectifs du développement durable pour l’après 2015. Il a besoin d’une Europe qui s’engage à n’oublier personne. Ce projet repose sur la responsabilité et l’engagement de tous. »
Isabelle Perrin, Déléguée Générale du Mouvement international ATD Quart Monde

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