
Pas de placement pour cause de logement inadapté
La Cour de Cassation (1) a affirmé dans un arrêt du 15 avril 2011 que les décisions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) de Strasbourg devaient être respectées par les tribunaux français.
C’est pourquoi, même s’il a été rendu contre la République Tchèque, l’«arrêt Wallova» s’applique en France.
En 2000, la justice tchèque décida de placer les cinq enfants de la famille Wallova en s’appuyant sur le fait que, depuis 1997, celle-ci ne disposait pas d’un logement stable. Constatant en 2002 que les parents étaient sans travail et toujours sans logement stable, les placements furent reconduits.
Saisie en 2004, la CEDH a estimé en 2006 que « les capacités éducatives et affectives des [parents n’ont] jamais été mises en cause et que les tribunaux ont reconnu leurs efforts déployés afin de surmonter leurs difficultés. Dès lors, la prise en charge des enfants a été ordonnée pour la seule raison que la famille occupait à l’époque un logement inadéquat » et que, plutôt que de placer les enfants, la République Tchèque aurait dû aider les parents à surmonter leurs difficultés de logement qui étaient la seule cause du placement. La CEDH a donc estimé que les juges tchèques avaient violé l’article 8 de la Convention, selon lequel toute personne a droit au respect de sa vie familiale.
La CEDH affirme ainsi que, lorsqu’une famille ne rencontre que des problèmes matériels, le placement est contraire à la Convention Européenne des Droits de l’homme.
La Cour de Strasbourg sanctionne les États qui ont ratifié la Convention Européenne des Droits de l’Homme chaque fois que, malgré un recours aux tribunaux nationaux, une violation de ces droits est constatée. En France, les condamnations de la CEDH aboutissent à une modification de la loi ou des pratiques.
La CEDH : un outil pour lutter contre la violation de nos droits
Le Mouvement ATD Quart Monde mène depuis ses débuts un combat politique pour faire reconnaître l’égale dignité de tous, l’indivisibilité des droits et la violation des Droits de l’Homme comme conséquence de la misère. Il a mené un combat législatif afin de faire voter des lois qui permettent de lutter contre l’exclusion et il continue de veiller à ce que les projets ou propositions de lois ne lèsent pas les plus pauvres.
Renforcé depuis quelques mois par une équipe de juristes, ATD Quart Monde explore la possibilité de recréer la dynamique d’un Comité juridique et Droits de l’Homme au plan européen, avec des alliés magistrats et avocats de plusieurs pays. Ce comité pourrait à terme soutenir des combats juridiques et judiciaires de façon à faire respecter l’égale dignité et l’accès de tous aux droits de tous, notamment dans le domaine du droit de vivre en famille et du droit au logement, mais pas exclusivement.
D’ores et déjà, nous nous proposons de faire connaître certaines décisions de la Cour qui, à Strasbourg, est chargée de veiller au respect de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Ces décisions s’imposent aux juges français. On peut en retenir notamment :
l’interdiction des placements d’enfants dans la durée fondés uniquement sur des raisons matérielles ;
– l’obligation de ne procéder au placement que si aucune autre solution ne peut être mise en œuvre pour résoudre les difficultés de l’enfant ;
– l’obligation, malgré un placement, de maintenir les relations personnelles entre l’enfant et sa famille.
Ces décisions sont peu connues des magistrats et des avocats. Il faut les faire connaître et les invoquer devant les juges. Feuille de route et le site Internet www.atd-quartmonde.fr vont publier ces décisions. Nous commençons ici avec l’« arrêt Wallova ».
Bruno Tardieu et Véronique Davienne, Délégation nationale ATD Quart Monde France