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« Il y a des formations que l’on oublie. Mais celle-là, non ! »

Isabelle Lemay est éducatrice spécialisée en Gironde. Frédéric Penaud est adjoint à la directrice de l’Enfance et de la Famille au Conseil général de l’Yonne. Tous deux étaient parmi les 14 professionnels qui ont suivi une co-formation fin avril à Angers sur la protection de l’enfance et de la famille.

Qu’est-ce qui vous a incités à suivre cette co-formation ?

IL : Je sais qu’il existe un écart entre ce que les familles que j’accompagne disent ou montrent et ce que je peux percevoir et interprêter. Je voulais aller plus loin.

FP : Il existe des savoirs chez chacun de nous, indépendamment du niveau d’études. Je voulais participer activement à un « croisement des savoirs » avec des parents qui ont eu ou ont encore l’expérience de la pauvreté.

Qu’avez-vous découvert  ?

FP : La nécessité de prendre le temps et d’apprendre à écouter les familles, malgré l’étiquette qui leur est parfois attribuée d’une incapacité à analyser. J’ai aussi retenu le fait qu’on leur demande de justifier en permanence de leur place de parent.

IL : Une maman m’a dit un jour : « Je vais vous apprendre quelque chose qui va vous conduire à placer mes enfants : je n’ai plus d’argent et mon frigidaire est vide. » Je lui ai répondu : « Je ne vais pas placer vos enfants. Nous allons chercher ensemble une solution. » Cela a été un déclic pour moi. Je n’avais pas conscience de représenter une si grande menace pour certaines familles.

Cette co-formation va modifier votre façon de travailler ?

IL : Oui. Prendre le temps de parler, d’écouter, de réfléchir… C’est compliqué, bien sûr. Mais c’est nécessaire pour qu’une famille nous accepte et pour que l’on voie ensemble ce qui ne va pas – et aussi ce qui va. Cela nécessite de mettre de côté nos pistes à nous, et de travailler sur le projet de l’enfant et de la famille. Chaque situation familiale est unique. Cette formation me renforce dans ma responsabilité de faire résistance au rouleau compresseur judiciaire, d’accompagner les parents dans leur évolution en ne me laissant pas mener par mes craintes. Le placement, s’il est parfois indispensable, n’est pas la solution adaptée à toutes les situations.

Un regret ?

FP : Oui… Je souhaiterais que, une autre fois, on aborde davantage la question des dangers que des enfants encourent parfois dans leur propre famille – en sachant qu’il ne s’agit pas de stigmatiser à ce sujet les parents d’origine sociale défavorisée, comme on le fait souvent.

Cette formation aura-t-elle des suites ?

IL : J’ai envie que mes collègues puissent profiter d’une telle formation.

FP : Pour notre Conseil général, elle rentre dans l’esprit de la loi de mars 2007 sur la protection de l’enfance. Nous développerons tous les projets qui permettront d’accorder dans ce cadre une meilleure place aux parents.

Un mot de conclusion ?

FP : La pédagogie des croisements des savoirs est vraiment excellente. Elle a produit des résultats de grande qualité dans cette formation.
IL : Il y a des formations que l’on oublie. Mais celle-là, non !

Propos recueillis par Jean-Christophe Sarrot