
Croiser les expériences entre enseignants, parents et professionnels socio-éducatifs
Afin de favoriser la réussite scolaire, des rencontres ont lieu à Pierre Bénite entre les familles des quartiers populaires, les professionnels socio-éducatifs et l’École. L’objectif : croiser les expériences et mettre sur pied des projets communs.
Les origines du projet
Le comité de pilotage du projet est co-animé par la Ville de Pierre Bénite et le centre social. Y participent l’Etat, le conseil général du Rhône, le Contrat Urbain de Cohésion Sociale (CUCS), l’Education Nationale (inspecteur, collège, écoles), la Mission régionale d’information sur l’exclusion en Rhône-Alpes (MRIE), la Maison des Jeunes et de la Culture.
Le budget 2010 était de 30 700 euros. Financements : 42% Etat (politique de la ville), 26% Ville de Pierre Bénite, 22% conseil général du Rhône, 10% enveloppe REAPP (Réseaux d’Ecoute, d’Appui et d’Accompagnement des Parents).
Depuis le milieu des années 1990, un groupe de mères de famille de la région lyonnaise s’engage avec le collectif « Paroles de femmes » dans une démarche visant à redynamiser la démocratie et la citoyenneté dans les quartiers populaires. Elles-mêmes confrontées directement à des difficultés d’éducation et de scolarité de leurs enfants, ces mamans s’intéressent particulièrement au thème du lien entre l’École et les familles dans les quartiers. Avec l’Université Populaire des Parents et la Mission Régionale d’Information sur l’Exclusion en Rhône-Alpes (MRIE), une recherche visant à croiser les regards entre parents et professionnels de l’Education Nationale accompagnée par un universitaire, Daniel Thin, est réalisée à partir de 2005 sur le thème « enfants décrocheurs, enfants décrochés ».
A la même époque, le centre social Maison des Roches organise à Pierre Bénite des soirées débats sur les questions de parentalité, qui n’attirent que peu de parents. Impressionnés par les résultats de la recherche des femmes, les acteurs de Pierre Bénite (la Ville, le CUCS, le centre social) décident de lancer un travail de regards croisés parents/professionnels de co-construire des propositions d’actions à mettre en œuvre sur la ville. Entre juin 2008 et juin 2009, quatre des mères de famille du collectif « Paroles de femmes » sont missionnées pour mener une enquête auprès des parents de la commune et constituer un collectif de parents. Cette enquête révèle les préoccupations des parents, certaines difficultés dans les relations entre les populations du quartier et l’École et propose des axes de travail. Dans le même temps, deux groupes de professionnels (socio éducatifs et Éducation Nationale), animés par la MRIE produisent de leur côté une analyse des difficultés des jeunes et de leur propre rôle de professionnels.
En juin 2009, un atelier collectif réunit les trois groupes. Les partenaires (ville, CUCS, centre social), accompagnés par la MRIE et un consultant décident de perpétuer ce type de rencontres – entre pairs dans un premier temps, dans le cadre d’un croisement des savoirs dans un deuxième temps – afin d’aller plus loin en se donnant les moyens d’articuler la réflexion et l’amélioration des pratiques.
En 2009 et 2010, les trois groupes de réflexion entre pairs (parents, professionnels socio-éducatifs, professionnels de l’Education Nationale) ont travaillé sur deux thématiques : l’exclusion de l’école d’une part, l’enfant qui ne fait pas ses devoirs à la maison d’autre part. Cinq rencontres en groupes de pairs avaient pour objet d’analyser les conséquences et les causes de ces deux situations. Un forum a ensuite permis de croiser ces analyses, puis quatre à cinq rencontres en ateliers mixtes ont servi à élaborer 14 propositions concrètes présentées lors d’un nouveau forum en juin 2010, comme par exemple « préparer le passage du primaire au collège », « une rencontre régulière et dans la durée entre parents et enseignants » ou encore « valoriser chaque enfant ».
Suite à ce forum, deux propositions de l’assemblée ont été choisies pour l’année à venir afin d’approfondir la réflexion et de permettre la mise en œuvre concrète de projets.
Accueillir les jeunes exclus du collège plus d’une journée
Le premier sujet concerne l’exclusion scolaire temporaire de collégiens. Le groupe projet constitué est composé d’enseignants et du principal du collège, de personnes du centre social, dont les « femmes passerelles », et de la coordinatrice du Programme Réussite Éducative (PRE) de la ville de Pierre Bénite. Le groupe met au point un protocole expérimental visant à accueillir les jeunes exclus du collège plus d’une journée (de 1 à 5 jours) au centre social et à leur proposer un programme précis. Au travers de plusieurs rencontres avec des professeurs, des « femmes passerelles » et des professionnels socio-éducatifs, il est proposé au jeune de comprendre le sens de la sanction reçue, tout en lui évitant une rupture du rythme de travail que pourrait susciter le temps de l’exclusion.
Les « femmes passerelles » assurent le lien avec les parents, notamment dans le cadre des groupes de réflexion, afin que ces derniers participent effectivement au projet. Dans le cadre de ce projet, les familles sont reçues à deux reprises par le centre social et la coordinatrice du PRE. Au début de l’accueil du jeune exclu, un contrat d’accompagnement est passé entre l’enfant, les parents, le PRE, le centre social et le collège, qui s’engagent à respecter certains points. A la fin de la période, les parents sont de nouveau reçus pour un bilan au cours duquel les aspects positifs de l’expérience sont mis en avant. Le dispositif, financé dans le cadre du PRE, a vocation à faire le lien avec un accompagnement à plus long terme si besoin, dans le cadre des activités du centre social (avec le contrat local d’accompagnement et de scolarité) ou encore d’actions s’inscrivant dans un parcours réussite éducative.
Un fascicule sur les dispositifs d’accompagnement socio-éducatif
Le deuxième sujet approfondi s’appuie sur un constat : les dispositifs d’accompagnement socio-éducatif des enfants sont nombreux et difficilement lisibles, pour les publics et même parfois pour les professionnels. Un groupe composé de différents types de professionnels (associations, écoles, …) s’est donc penché sur la réalisation d’un fascicule présentant les différentes actions d’accompagnement. Un temps d’échange au sein d’un groupe plus large, avec notamment des parents, a permis d’affiner ce travail. La plaquette a été présentée lors d’un forum fin mai 2011.
Pouvoir parler de l’école ailleurs qu’à l’école
La démarche dans son ensemble offre une opportunité pour les parents de communiquer sur des sujets difficiles, puisque relatifs aux difficultés de leurs enfants. Le fait de faire partie de groupes plus larges, d’un groupe de parents mais aussi d’un groupe de parents et de professionnels travaillant sur les questions d’éducation, offre un cadre plus serein et donc plus propice à l’implication des parents. Les rencontres effectuées à l’école sont forcément ponctuelles et souvent directement liées à une difficulté concrète, voire à une situation de crise. La démarche de « réflexion-action » permet aux parents de s’engager sur un temps plus long sur ces sujets, de mieux connaître les professionnels susceptibles de les aider et de prendre du recul, par la confrontation avec d’autres familles, en resituant les problématiques de leurs enfants dans une perspective plus globale.
Bien que le travail d’implication des parents ne soit pas facile, la poursuite des ateliers dans le temps et la mise en œuvre de projets semblent constituer progressivement des repères importants pour les familles. Le rôle des « femmes passerelles », désormais salariées du centre social, est décisif pour continuer à développer un lien qui ne va pas de soi. Tout en maintenant des groupes dédiés aux questions d’éducation, le centre social souhaite également développer les interventions des « femmes passerelles » dans d’autres contextes (centre de loisirs, théâtre forum…), afin de permettre à davantage de familles de contribuer à la réflexion sur l’éducation.
Source : www.apriles.net et MRIE.