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17 octobre 2014 à Paris : « On n’aime pas vivre comme ça ! »

« En cette journée mondiale du refus de la misère, nous voulons redire que nous refusons que la misère persiste. Nous refusons que des hommes et des femmes soient laissés derrière, oubliés, ignorés, niés.
Certains disent : « la misère a toujours existé, c’est comme ça, on n’y peut rien. » Nous ne pouvons pas l’accepter. Nous nous battons tellement pour nous en sortir. La misère n’est pas fatale. Nous avons pu quitter des logements précaires, sortir de la rue, nous avons trouvé un travail, nous avons réussi à fonder une famille et surtout nous nous sommes libérés de la culpabilité dans laquelle on nous avait murés.
On nous accuse de ne pas vouloir s’en sortir, d’admettre notre situation. Ce n’est pas vrai. On n’aime pas vivre comme ça !
Quand nous nous sentons jugés par le regard des autres, c’est une honte qui conduit à ce que la misère s’installe encore un peu plus. On est seuls pour se défendre. On ne peut pas en parler. Mais nous parlons aujourd’hui, parce que nous refusons ce silence.
Nous avons souvent vécu la misère dans notre enfance et nous avons peur de créer une famille. Il arrive que nous élevions nos enfants seuls. Ce n’est pas facile, on se sent jugé. Notre courage et nos efforts ne sont jamais reconnus.
Nous sommes parfois trop protecteurs envers nos enfants, on en fait trop. Mais on ne veut pas qu’ils souffrent. On ne veut pas qu’ils vivent la même chose que nous.
Nous vivons dans l’angoisse que notre famille soit séparée. Nous avons parfois besoin d’aide mais ce n’est pas juste de séparer les enfants de leurs parents à cause de la pauvreté ! On n’a pas le droit, on n’a pas le droit ! Ca nous détruit, ça nous enterre un peu plus.
Nous avons appris comment combattre la misère. Mais notre expérience n’a jamais été prise en compte.
On ne nous écoute pas. On croit que comme on est pauvre, forcément on est pauvre d’esprit. Et les grosses têtes bien pensantes décident à notre place, nous dictent ce qu’on doit faire.
Nous avons parfois besoin de conseils, mais nous devons agir nous-mêmes. On doit nous en laisser le temps. Nous avons l’impression de n’être vus que comme des estomacs sur pattes, juste bon à nourrir. Nous avons besoin d’être pris au sérieux, d’être responsabilisés, d’être acteurs de nos vies, d’être entendus. »
(Extrait du message collectif des militants de l’Université populaire Quart Monde Île-de-France pour le 17 octobre 2014, table ronde au Conseil Économique, Social et Environnemental)