
Conférence internationale des donateurs pour un nouvel avenir en Haïti : la nécessité de repenser la coopération internationale
« De l’horizon ouvert de l’Afrique, nous sommes passés à la condition d’esclave et, au prix de notre sang, nous avons payé le combat pour la défense de la dignité humaine », nous dit le dramaturge Frankétienne. Sur cette route, Haïti s’est trouvé souvent seul. Les États Unis et les jeunes États latinoaméricains ne s’étaient résolus qu’en 1862, sous la présidence d’Abraham Lincoln, à reconnaître la première république majoritairement noire, fondée en 1804.
Le tremblement de terre du 12 janvier a créé tout à coup un regard mondial sur Haïti, sur ses morts, ses souffrances, son immense courage. Ce regard se posera aussi sur ce que le pays cherchera à entreprendre dans les années à venir. Sera-t-il celui d’un donateur qui demande des comptes à sens unique ou celui d’un monde qui dans son ensemble traverse une profonde crise économique, écologique, alimentaire, sociale et éthique et s’interroge d’abord lui-même ?
Les acteurs de la Conférence internationale du 31 mars à New York ont souligné tour à tour l’importance:
– d’une reconstruction qui libère l’intelligence de tous, permet une participation la plus inclusive possible, en particulier pour les plus pauvres ;
– d’une approche par les droits, l’accès de tous aux services de base avec un système d’éducation de qualité ;
– d’une économie fondée sur les potentialités des personnes, le renforcement des capacités locales, l’amélioration de l’agriculture ;
– et, finalement, d’une évaluation impliquant tous les acteurs.
Force est de constater qu’aucun État ne dispose aujourd’hui, à lui seul, de l’expertise nécessaire pour mettre en œuvre de telles ambitions. La gouvernance qui saurait faire appel à l’expérience et l’intelligence de tous ses citoyens pour penser le développement durable n’existe pas encore. Cette forme de gouvernance est à inventer par un partage d’expériences et des savoirs entre tous les pays. Cela suppose aussi que chaque État cherche en son sein à combattre de façon globale l’exclusion sociale qui engendre la pauvreté et rend la participation citoyenne caduque. Sous cet angle, il y a urgence à repenser la coopération internationale pour la rendre crédible et légitime. L’après-12 janvier en Haïti peut nous introduire dans ce « nous » planétaire, porteur d’un véritable avenir pour Haïti et pour la communauté internationale. Sommes-nous prêts à payer ce prix ?
En tant que Mouvement, nous voulons contribuer par nos engagements à ce que Haïti reste maître d’œuvre de ce chantier crucial d’une coopération internationale repensée, basée sur un respect mutuel, ouvrant enfin la voie à la paix entre tous les peuples. Si nous réussissons à relever ce défi, nous ne serons plus enfermés dans une tragédie. L’immense courage des Haïtiens et la tendresse du monde n’auront pas été vains.
Eugen Brand, Délégué général du Mouvement international Atd Quart Monde