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Catherine Legeais : « Aller voir ce qui se passe ailleurs, c’est ce qui m’a sauvée »

Il y a 20 ans, Catherine Legeais s’est engagée dans le Mouvement Atd Quart Monde en Bretagne. Cela a changé sa vie.

Comment votre engagement avec Atd Quart Monde a-t-il commencé ?

Catherine Legeais aux Journées du livre contre la misère, au centre culturel Le Triangle à Rennes en octobre 2008 (ph. JC Sarrot).
Catherine Legeais aux Journées du livre contre la misère, au centre culturel Le Triangle à Rennes en octobre 2008 (ph. JC Sarrot).

Avant la création du RMI en 1988, Atd Quart Monde et la Caisse d’allocations familiales d’Ille-et-Vilaine avaient lancé un programme expérimental de revenu minimum garanti, auquel j’ai participé. En 1989, deux volontaires permanents du Mouvement sillonnaient la campagne avec un camping-car rempli de livres, pour faire du prêt à domicile. J’ai vu arriver ce camping-car un beau jour dans ma cour et je me suis posé la question : qu’est-ce que ce Mouvement ? Que peut-il m’apporter, à mon fils et à moi ? Un des deux volontaires, Claude Dimitroff, m’a dit plus tard : « Mme Legeais, vous avez des choses à dire ». Il y a eu des semaines d’Avenir partagé. On est venu me chercher pour y participer. Là, j’ai vu des gens blessés par la vie, qui venaient partager leurs savoir-faire. Au début, j’allais comme spectatrice. Puis je me suis engagée petit à petit dans l’animation d’un groupe Tapori, et ensuite dans l’université populaire Quart Monde de Bretagne. Ça n’a pas été tout de suite. Je me suis posé la question pendant plusieurs années.

Finalement, je me suis dit : « Prends des responsabilités, tu verras où ça te mène. » J’ai ensuite participé au « groupe d’accès aux droits fondamentaux »(1) et aux préparations d’université populaire Quart Monde à Rennes. C’est le maire de ma ville qui m’y conduisait le matin en allant à son travail.

Comment ces engagements ont-ils changé votre vie ?

Un travailleur social m’a demandé un jour : « Vous avez changé, Mme Legeais. Pourquoi ? ». Je suis parvenue à dominer ma peur quand je rencontre des travailleurs sociaux, des avocats, des médecins… Le fait d’être dans le Mouvement m’a permis, quand j’essuyais un refus, d’en parler avec d’autres, de me réconforter. J’ai l’impression d’être ensemble, avec d’autres, pour une même cause. Cela a été important pour moi de prendre ma carte d’adhérente d’Atd Quart Monde.

Maintenant, je vois plus vite en positif qu’en négatif. Avant, tout était pour moi négatif. On me faisait une réflexion, hop, c’était bon, on ne me revoyait pas. Apprendre à connaître mes droits, à comprendre l’actualité, cela m’a permis de voir en positif. La télévision ne donne pas beaucoup d’explications sur le RSA.

Il m’arrive d’aller voir les travailleurs sociaux sans pour autant demander une aide financière, mais pour demander une explication. Quelquefois, ce n’est pas une aide financière dont on a besoin, c’est d’une écoute. Depuis quatre ans, avec l’aide des travailleurs sociaux, j’ai appris à gérer mon budget, à calculer mes ressources et mes dépenses. Ma vie est faite de calculs.

J’ai participé en 2008 à une co-formation(2) avec Atd Quart Monde et des bibliothécaires. Suite à cela, j’ai franchi pour la première fois les portes de ma bibliothèque pour faire une recherche sur la misère et le théâtre.

Que faites-vous en dehors de vos engagements avec Atd Quart Monde ?

En juin 2000, après une grave maladie, j’ai eu la force de me dire : soit je reste dans mon appartement, soit je vais voir d’autres activités dans ma commune. C’était une suite logique à mes engagements avec le Mouvement. J’ai frappé à des portes. J’ai parfois essuyé des refus. Aujourd’hui, je participe à un atelier théâtre et, tous les 15 jours, à des échanges de partage du savoir. J’ai compris que les réflexions que l’on me faisait au théâtre, c’était pour m’améliorer, pas pour m’humilier. J’ai été tellement humiliée dans ma jeunesse !

Je vais à la rencontre de nouvelles familles lors de rencontres au restaurant du coeur et au Secours Catholique, dont je suis membre. J’essaie de faire remonter des situations que je trouve inadmissibles. Je propose mes services par du soutien scolaire ou des démarches administratives, comme par exemple aider quelqu’un à obtenir le RMI, à obtenir le planning d’un enfant placé, etc. Je leur dis que je suis comme eux.

Et à l’hôpital de ma ville, je rends visite à des personnes âgées et je participe à l’organisation de sorties et d’activités manuelles. Cela m’a permis de m’attacher à deux d’entre elles. Je les prenais un peu comme faisant partie de ma famille jusqu’à leur décès.

Propos recueillis par Caroline Petitat et Jean-Christophe Sarrot