
Haïti : « On ne peut pas décider pour les gens ce qu’ils doivent avoir »
De l’ouragan Katrina au séisme en Haïti, qu’apprenons-nous pour reconstruire avec tous ? Une conférence publique animée par Claire Hédon, journaliste à RFI, s’est déroulée en lien direct avec Port-au-Prince et La Nouvelle Orléans. En voici quelques extraits.
– « L’objectif pour changer les choses ne peut pas être quantitatif, par exemple « nous voulons atteindre 20 000, 50 000, 10 000 personnes ». Cela crée de la violence et des rapports de force. Nous devons atteindre tout le monde, et surtout ceux qui sont invisibles. À ce moment-là, l’autre n’est plus un danger : l’autre est un semblable et on est ensemble au niveau d’une action pour la paix » (Eugen Brand, délégué général)
– « C’était pour moi la récompense de toutes ces années d’avoir été quelque chose qui essaie de ressembler à un chanteur : me trouver dans ces tentes avec ces vieilles dames, ces mères et pères courageux et ces grand-mères incroyables (la chanteuse a été accueillie par l’équipe d’Atd Quart Monde à Port-au-Prince du 4 au 8 avril). Des choses que [les Haïtiens] peuvent nous dire, c’est de quelle façon nous avons peut-être perdu la fraternité. Cela, ils me l’ont appris » (Jane Birkin) .

« Passant de la colonisation à l’esclavage, nous avons une longue histoire de marginalisation où le peuple haïtien n’a jamais eu l’occasion de s’exprimer. […] À la Conférence de New York (conférence internationale des pays donateurs pour un nouvel avenir en Haïti, qui s’est tenue le 31 mars à New York), il y a eu une prise de conscience des Haïtiens et de la communauté internationale que l’on ne peut pas décider pour les gens ce qu’ils doivent avoir » (Michèle Montas, conseillère auprès du représentant spécial de l’ONU en Haïti) .
« Il faut soutenir la solidarité entre les Haïtiens. Au début, ils unissent leurs forces, mais après, des querelles peuvent ressurgir. Est-ce que les normes de construction vont être respectées pour tous, est-ce qu’il ne va pas rester des gens au bord de la route ? » (Chantal Peaudeau, déléguée de l’Université Populaire Quart Monde d’Île-de-France) .
« Les familles [de la Nouvelle Orléans] nous disent qu’elles ont été oubliées [après l’ouragan Katrina] ; les écoles ne se sont pas réouvertes comme avant, les loyers ont augmenté… La ville a été reconstruite, mais pas pour les plus pauvres » (Maria Victoire, volontaire permanente d’Atd Quart Monde à La Nouvelle-Orléans) .
« Je suis pauvre et je me bats encore, quatre ans et demi après Katrina. Je veux que les décideurs demandent [aux pauvres en Haïti] ce qu’ils attendent et ne fassent pas des suppositions à leur place. Merci d’écouter les pauvres et les autres, parce que tous devraient être égaux » (Stacey Smith, mère de famille habitant La Nouvelle-Orléans) .
« Nous préparons un plan de « Cash for Work ». Ce sont des travaux à réaliser pour la collectivité, qui vont toucher environ 4 000 familles. Ce sera une occasion pour les familles de se sentir utiles, dignes. […] le chemin de la reconstruction, c’est déjà une sorte de rencontre et c’est une base : se sentir à l’écoute les uns des autres. » (Jacqueline Plaisir, volontaire permanente d’Atd Quart Monde en Haïti) .
« Les gens se sont organisés, on les a vus s’entraider. C’est à partir de cette réalité des quartiers, des localités, qu’on doit pouvoir intégrer tout le monde à la réflexion » (Jean-Hugues Henrys, coordonnateur de la commission nationale de santé d’Haïti) .
« [Les plus pauvres] ont été partie prenante du processus dès le départ, et c’est absolument sans précédent ; c’est impossible d’imaginer faire face à une telle reconstruction de manière technocratique. En Haïti, les plus pauvres, ce n’est pas une infime minorité dont on pourrait se passer » (Pierre Duquesne, chef de la Mission française pour la reconstruction en Haïti) .
Photo : le 9 avril à Paris, 400 personnes étaient rassemblées dans le grand studio 104 de la Maison de la Radio pour communiquer avec Haïti et La Nouvelle-Orléans aux États Unis (ph. François Phliponeau)