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Didier Loiseau : « Je n’ai jamais perdu l’espoir »

Didier Loiseau est décédé le 15 mars à 53 ans. Claudette Froger qui le connaissait depuis 1995 raconte : « J’ai rencontré Didier à la cité des Trois Fontaines à Rennes. La vie y était difficile, la plupart des hommes n’avaient pas de travail. Des querelles étaient fréquentes, mais chacun était prêt à partager le peu qu’il avait. Didier le premier. Il avait perdu tout contact avec sa famille. Ses amis chez les prêtres ouvriers et à Atd Quart Monde comptaient beaucoup. Sa santé était très dégradée à cause de la misère. Il disait toujours qu’il ne devait pas baisser les bras. En septembre 2007, grâce à une messe télévisée, il a eu l’immense joie de retrouver une de ses sœurs qui l’a reconnu à l’écran, après l’avoir cherché en vain pendant 19 ans. Depuis, ils se voyaient souvent, savourant ces moments de bonheur en famille. »

Didier Loiseau le 17 octobre 1998, lors de la célébration de la Journée mondiale du refus de la misère dans le quartier de Maurepas à Rennes (ph. Atd Quart Monde).
Didier Loiseau le 17 octobre 1998, lors de la célébration de la Journée mondiale du refus de la misère dans le quartier de Maurepas à Rennes (ph. Atd Quart Monde).

Témoignage de Didier Loiseau le 17 octobre 1998 à Rennes (extraits)

Je souhaite que les uns et les autres aient un bonheur merveilleux, que les enfants soient heureux avec leur famille. Pour cela, il faut donner un très grand soutien aux parents pour qu’ils puissent élever leurs enfants ou les récupérer s’ils sont placés. Je dis ça, parce que j’ai eu une vie très mauvaise.

Je me suis toujours dit : « Il faut que je réussisse » et je n’ai jamais perdu l’espoir. Mais je voulais aussi que les autres réussissent leur vie, leur carrière. Même enfant, je ne supportais pas de voir les autres malheureux. Un jour, j’ai connu une famille qui n’avait rien à manger. Je lui ai apporté des légumes que je faisais pousser dans un jardin.

Vers 9 ou 10 ans, le prêtre de Bruz (commune au sud de Rennes) m’a fait entrer dans son église, j’ai servi comme enfant de coeur. Il m’a donné un toit et à manger. Cela m’a donné un soutien, sinon j’aurais souffert encore plus.
Ensuite, je suis reparti. J’ai travaillé des années dans des fermes puis chez des maraîchers. À la longue, les gens finissaient par me connaître, je trouvais du travail facilement à ce moment-là. Plus tard, j’ai travaillé comme maçon dans le bâtiment.

Didier Loiseau en août 2009 (ph. Caroline Petitat)
Didier Loiseau en août 2009 (ph. Caroline Petitat)

Un jour, j’ai rencontré Danielle, qui est devenue mon amie. Nous sommes allés vivre dans une baraque le long du canal à Rennes. Il n’y avait ni eau, ni électricité, ni chauffage. On nous refusait un logement. Les policiers voulaient que l’on quitte les lieux.

On mangeait des légumes que je faisais pousser. Quand je partais à Fougères pour l’abattage des volailles, ma femme restait toute seule, elle était malheureuse. Je ne pouvais pas la laisser continuellement souffrir dans une baraque.

Nous avons connu beaucoup de gens le long du canal, ils sont tous morts dans la misère.

En 1993, j’ai retrouvé par hasard quelqu’un qui m’avait aidé quand j’étais petit. Il m’a dit : « Il y a un logement de libre dans la cité où j’habite. » Il m’a fait connaître sa famille, les prêtres ouvriers. Depuis, on se quitte plus. J’ai fait des démarches avec eux et j’ai pu avoir un logement en 1994. J’ai eu mon premier vrai logement à 38 ans. Mais pour moi, c’était très dur de s’y habituer. J’ai perdu ma femme en 1995, elle avait une très mauvaise santé à cause de la vie qu’on a eue. J’ai tout fait pour lui offrir une belle pierre tombale.
Aujourd’hui, je suis bien soutenu par des amis du quartier, on est solidaires entre voisins. Il n’y a pas longtemps, j’ai accueilli des sans-abris chez moi pour les aider.

À cause de ma santé, cela fait quatre ans que je ne peux plus du tout travailler.

Le plus dur dans la misère, c’est d’être rejeté. Il faut faire comprendre que la misère existe, que c’est la plus grande destruction de la vie.