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14 mois de Droit au logement opposable (DALO) : quelques premiers enseignements

Un texte, inspiré par Joseph Wresinski, fondateur du Mouvement ATD Quart Monde.” est gravé sur une plaque inaugurée au Conseil Économique et Social le 13 février 2007:

“Considérer les progrès de la société à l’aune de la qualité de vie du plus démuni et du plus exclu est la dignité d’une nation fondée sur les droits de l’homme”.

Comme le rappelait Jean Frouin, responsable du groupe de travail « Logement » de la Ligue des Droits de l’Homme, le droit au logement a longtemps été l’un de ces
progrès à réaliser.

Aucun des textes qui affirmaient le droit au logement n’était suffisamment contraignant pour obliger l’Etat, les collectivités locales, les bailleurs sociaux à prendre en compte la situation du logement social, et pour ce faire, à construire.

La nécessité, l’impératif d’une loi garantissant l’exercice effectif de ce droit a enclenché, en 2003, la création à l’initiative du Mouvement ATD Quart monde de la plate-forme pour le droit au logement opposable, et pendant 3 ans plus de 60 associations, mouvements, syndicats ont joint leurs efforts pour obtenir un droit opposable.

Les circonstances politiques, le mouvement des Enfants de Don Quichotte ont précipité la donne et ce qui n’était encore qu’un vœu à l’automne 2006 était une loi votée en mars 2007.

Nous avons considéré ce vote comme une très grande victoire.

Le droit au logement opposable est un nouveau droit, un droit pour tous et au premier chef pour les plus vulnérables, à l’égal des droits à la justice, à l’école ou à la santé.

Nous, ATD Quart Monde, considérons ce droit comme la pierre angulaire de tout l’édifice du logement social.

C’est également le premier droit opposable de nature essentiellement économique et cela est tout à fait remarquable dans l’histoire de notre société française. Il a déjà fait considérablement bouger les lignes, il a rendu possible, avant même que les Préfets n’interviennent et par le seul fait de la “labellisation” des demandeurs, le logement de familles qui étaient sur une voie de garage depuis de nombreuses années.

C’est pourtant aussi, au stade où nous l’examinons, un droit particulièrement jeune.

Nous avons entendu beaucoup de réserves et de scepticisme sur son application, des déclarations comme :
– “çà ne marchera pas”,
– “il faut d’abord construire des logements” ,
– “ce sera une loi inappliquée de plus”.

Ceux qui disent cela, même s’ils sont de moins en moins nombreux, n’ont tout simplement pas pris la mesure de ce qu’est vraiment ce nouveau droit.

C’est un droit essentiel, garanti par l’Etat.

L’Etat ne s’y est d’ailleurs pas trompé, il a mis en place les structures, les équipes, il a recherché et souvent retrouvé, au moins partiellement, le droit de  réservation du Préfet, il a réuni les bailleurs et leur a indiqué qu’il entendait qu’ils répondent aux injonctions qu’ils recevraient des préfets.

La situation est, hors certaines zones critiques de l’ile de France, satisfaisante dans beaucoup d’endroits du territoire, aidée, ne l’oublions pas, par la grande différence entre ce que l’on attendait en termes de nombre de demandes et ce qui se présente actuellement.

Ce qui frappe avant tout, lorsque l’on regarde le bilan, sur 14 mois, des demandes DALO sur le territoire, c’est l’incroyable différence d’un département à l’autre et même d’une région à l’autre. Prenons des voisins :
– 1 demande DALO pour 665 habitants en Loire Atlantique (Nantes)
– 1 demande DALO pour 27.000 habitants en Ile et Vilaine (Rennes)

Prenons des territoires extrêmement divergents :
– 1 demande pour 407 habitants en Corse du Sud (Ajaccio)
– 1 demande pour 354 habitants en Hauts de Seine

Prenons les bons élèves :
– 1 demande pour 18.350 habitants en Haute Vienne (Limoges)
– 1 demande pour 16.076 habitants dans la Vienne (Poitiers)

Prenons les plus difficiles hors Ile de France
– 1 demande pour 585 habitants en Bouches du Rhône
– 1 demande pour 692 habitants dans le Var (moins bon que l’Essonne et les Yvelines)

Quel enseignement tirer de ces brèves comparaisons ?

Qu’il n’y a pas de fatalité à l’insuffisance de la construction sociale. Pourquoi la quasi absence de problème à Rennes, à Limoges, à Poitiers et pourquoi la tension très forte à Marseille, à Toulon, à Nantes ?

On n’a pas l’impression, à entendre ces noms de villes si connus que ce soient des territoires de nature, d’essence différents alors que l’écart énorme des chiffres fait penser aux différences de PIB entre les pays riches et les pays pauvres.

La raison de ces différences, c’est la politique.

Un engagement politique de long terme en faveur du logement social fait que la région Bretagne a un demandeur pour 13.000 habitants et l’absence de cette même volonté fait que la région PACA un demandeur pour 773 habitants.

La phrase si souvent entendue lors de nos multiples études préalables sur le DALO, alors que ce n’était encore qu’un lointain projet, c’était : “avant de faire une nouvelle loi, il faut construire d’abord”. Eh bien croyez-moi, on n’aurait aucune chance de voir ceux qui n’ont pas construit depuis 20 ans s’y mettre si la loi DALO n’avait pas été votée.

Et même maintenant, les plus réticents ne s’y mettront qu’avec grand mal mais ils ont désormais une épée de Damoclès au dessus de la tête et cela change tout.

Le Conseil d’Etat, dans son tout récent rapport, s’inquiète de l’inflation de contentieux que le DALO peut produire si les choses se tendent comme il le craint et si les demandeurs non satisfaits deviennent légion. Nous avons un avis différent. Nous savons que cette menace de contentieux est la meilleure garantie que tout sera fait pour qu’on aboutisse pas à une situation incontrôlable et que, donc, oui, on construira.

Jean-Yves Guéranger est, avec Miguel de Sousa, responsable du [Secrétariat Habitat Ville->rub193] d’Atd Quart Monde France.

Statistiques sur 2008 + 2 mois en 2009

tableau logement