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République centrafricaine : bâtir le pays par le partage des savoirs

Pour les commentateurs extérieurs, la crise en République centrafricaine est sécuritaire, alimentaire, humanitaire, minière, scolaire, frontalière… Face aux analyses décourageantes, l’engagement des membres d’ATD Quart Monde contribue pourtant à bâtir un nouveau pays.

Quand les jeunes désarment les esprits

Depuis le coup d’État, des armes circulent et rendent la vie risquée dans certains quartiers de Bangui. C’est là que des actions culturelles du Mouvement ATD Quart Monde sont assurées par des jeunes bénévoles.

Herbert, membre d’ATD Quart Monde et engagé dans des comités de jeunes à Bangui, témoigne : « On n’imagine pas les efforts que des jeunes fournissent pour survivre. Certains partent boucher les trous dans les rues et tendent la main aux passants pour avoir des pièces en récompense de leurs efforts. On n’imagine pas leur pensée pour leur famille et comment ils peuvent imaginer leur avenir. Nos parents, face à un « kotazo » (dignitaire), n’ont pas de valeur devant la justice. Sans lire ni écrire, impossible d’obtenir nos actes de naissance à la mairie, d’être pris en charge pour le VIH ou la tuberculose, de raconter le mal qui nous étouffe dans le quartier. Avec tout ça, on perd nos valeurs et nos dignités. »

Flore, animatrice de la « bibliothèque de marché » dans son quartier, évoque la réalité rurale : « Aujourd’hui, on est encore plus victimes des difficultés. C’est trop dangereux d’aller aux champs. Tout est bloqué, détruit par les bandes armées. À cause des violences envers les femmes, toutes restent à la maison. Que devenons-nous ? »

M. Parfait, militant : « Nous sommes dans un état de menace, mais on ne va pas rester comme ça, à voir nos enfants perdre leur intelligence et aller dans des directions qui ne marchent pas. » Plus que jamais, il encourage les jeunes animateurs « à aller dans les quartiers pour réveiller les enfants dans leurs savoirs et les réveiller dans le respect. »

Sur ce long trajet, un petit espace où trouver une grande liberté : la Cour1. Un jeune confie : « Cette cour est une source pour les bâtisseurs de paix. » Venus de différents quartiers ou villages, des jeunes s’y rencontrent, lisent les messages envoyés du monde entier par des amis d’ATD Quart Monde. Ils y préparent les animations qu’ils mènent avec les enfants de leurs communautés.
Chaque jeudi, Grâce, Cédric, Georges et d’autres viennent à la Cour chercher livres, matériel de dessin et jeux avec lesquels ils retournent à la rencontre des enfants de l’île où ils vivent. « On ne peut pas laisser les enfants s’habituer aux tirs comme si c’était une sonnerie de téléphone et prendre les armes pour des jeux. On leur dit : vous êtes des enfants de paix. Et là, ils reviennent à eux. » Flore ajoute : « Moi, je n’ai pas la force de parler aux « plus hauts ». Mais je regroupe les enfants pour faire l’amitié, et qu’ils ne deviennent pas des rebelles armés dans leur pensée. »

Ils placent ainsi « l’avenir au cœur de l’urgence ».

Michexposition_Tapori_a_Cite_Lumiere_400-5cf49el Besse et l’équipe des volontaires permanents de Bangui

 

 

 

 

Partage des savoirs à la Voix du Coeur

Chaque semaine, des jeunes bénévoles, lycéens, travailleurs informels, alliés et volontaires d’ATD Quart Monde, sac au dos remplis de livres et de crayons de couleurs, rejoignent les 30 à 50 enfants qui prennent un peu de repos à la Voix du Cœur.

Nuits à ne dormir que d’un œil, dans les rues de la ville ; angoisse de la survie jusqu’au soir. Mais les voilà debout pour accueillir « chez eux » ceux qu’ils connaissent déjà bien : les amis des livres et des jeux !
Mme Béatrice Epaye, fondatrice du Centre La Voix du Cœur, est témoin des perspectives qu’ouvrent ces actions culturelles pour les enfants vivant dans la rue. Elle explique que lorsqu’on leur pose la question de leurs projets d’avenir, ils parlent de survie (vendre des cigarettes, être « chargeur » d’un chauffeur de taxi…). Mais ceux qui participent à l’animation autour des livres ont un autre langage : ils souhaitent faire l’école.

Les animateurs ATD Quart Monde reçoivent beaucoup eux aussi : « Depuis les combats dans notre quartier, je vis loin de chez ma mère, dit Arnaud. À la Voix du Cœur, je pars avec mon malheur. Et les enfants me donnent le bonheur. Nous lisons, nous jouons ensemble. On s’approche. Un jeune m’a dit qu’il vit sans père ni mère. J’ai réfléchi, ça m’a fait prendre courage devant mes soucis. C’est d’être ensemble qui donne la force d’aller plus loin. »

Yvon, artiste, anime un atelier de bandes dessinées. Il se souvient : « Un garçon avait dessiné un règlement de comptes. On y voyait un homme menacer de mort un jeune, pour avoir volé son vélo. Le jeune demandait pardon. Dans la case suivante, l’homme disait : je te pardonne. » Yvon a demandé au garçon si c’était là son histoire. Ce dernier a hésité, puis a dit : « Oui, je voulais faire une BD sur ce que j’ai vécu », ajoutant avoir compris que « celui qui pardonne veut garder la paix. »

Pour les enfants et jeunes qui vivent dans la rue, la Voix du Cœur est un espace de répit où certains peuvent manger et se soigner, un espace où des adultes leur permettent d’imaginer des projets d’avenir et de prévenir qu’ils ne soient enrôlés comme enfants soldats.

www.fondationvoixducoeur.net

→ Pour vous informer davantage sur la présence et l’action du Mouvement international ATD Quart Monde en République centrafricaine.

→ Pour envoyer un message de soutien aux personnes qui s’y engagent avec ATD Quart Monde et la Voix du Coeur : bangui@atd-quartmonde.org