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Les Visages d’ATD Quart monde – Jean-Claude Dorkel : « Je ne parle pas beaucoup d’habitude »

« Je ne parle pas beaucoup d’habitude », avoue Jean-Claude Dorkel. Discret et fidèle, il fait face aux difficultés de la vie et milite avec d’autres depuis presque 30 ans au sein du Mouvement ATD Quart Monde dans le Val d’Oise.

Jean-Claude se souvient bien de sa rencontre avec ATD Quart Monde en 1984. Il avait 18 ans. « Nous habitions en caravane à Herblay, dans la campagne. Un volontaire permanent d’ATD Quart Monde, Jacques Ogier, a commencé à venir le samedi avec son camion pour proposer aux jeunes d’apprendre la mécanique, la menuiserie… J’étais à côté, alors j’y suis allé. Et puis j’ai continué. J’ai appris la soudure avec Jacques et avec des jeunes du voyage qui venaient aussi. » Jean-Claude lui-même est issu d’une famille du voyage sédentarisée.

La vie difficile a commencé tôt. Tout petit, il souffre de problèmes d’audition. Ses parents confient son éducation à sa tante et à son oncle lorsqu’il a un an et demi. Son père décède en 1975 et sa mère en 1989. Il suit l’école jusqu’en troisième, puis une formation en maçonnerie et menuiserie. Mais aucun patron ne l’embauche car, disent-ils, il n’est « pas assez vif au travail ». Jean-Claude accompagnera son oncle dans la récupération de métaux.

Rencontre et entraide

À ATD Quart Monde, il rencontre d’autres jeunes et d’autres familles qui ont la vie dure. « Le père Joseph Wresinski, fondateur du Mouvement ATD Quart Monde, est venu me voir dans ma caravane, se rappelle-t-il. Il a aussi invité ma famille à déjeuner chez lui. À ATD Quart Monde, on s’entraide. Jacques nous a beaucoup aidés. Il nous apportait du bois l’hiver. Un autre volontaire, Henri Bossan, venait souvent nous voir. » Jean-Claude participe au « Club du savoir et de la solidarité », qui rassemble chaque mois des jeunes d’Île-de-France sur une péniche à Paris. « Les plus jeunes nous écoutaient beaucoup », se souvient-il.

Après avoir vécu sur un terrain au lieu-dit du Trou-poulet de 1990 à 1992, la famille s’installe près de la piscine d’Herblay. L’électricité n’y est branchée qu’en 1994. Il n’y a pas d’eau. Celle-ci est livrée régulièrement par la mairie. En 2009, parce qu’un mois de loyer n’a pas été payé au propriétaire du terrain, celui-ci demande à la famille de quitter le terrain, ce qu’elle fait le lendemain.

Le SAMU ne peut plus venir.

La famille s’installe dans un bois entre Herblay et Pierrelaye. C’est là que, depuis 2009, stationnent les huit ou neuf caravanes de Jean-Claude, de son frère, de ses cousins et de sa tante qui est gravement malade et que Jean-Claude aide beaucoup. Le chemin d’accès n’est pas praticable l’hiver et l’ambulance du SAMU (Service d’Aide Médicale Urgente) ne peut alors pas l’emprunter. Après une intervention auprès de la tante de Jean-Claude en 2011, les pompiers ont demandé à la mairie que le chemin soit refait. Celle-ci a retiré les plus gros détritus, mais n’a pas encore refait le chemin.

Une proposition en cinq ans

Comme les autres membres de sa famille, Jean-Claude effectue des demandes de logement depuis plusieurs années. Sa famille et lui rêvent d’un terrain familial « avec une petite maison en dur, l’électricité et l’eau courante. » Il n’a reçu qu’une proposition en cinq ans. C’était en 2011, mais son cousin la lui a transmise un jour trop tard. Bien que reconnu prioritaire par la commission DALO (Droit Au Logement Opposable), il n’a pas reçu d’autre proposition.
Le « groupe logement » de l’équipe ATD Quart Monde Val d’Oise est en lien avec 45 familles et sait bien le véritable enfer que représente l’accès au logement pour les plus défavorisées du département. L’une d’elles, mal logée depuis des années et reconnue prioritaire également, a eu le courage d’aller jusqu’au tribunal administratif. L’État s’est vu condamné à lui proposer rapidement un logement. Elle a finalement reçu une proposition fin 2011 et vient seulement de recevoir un avis favorable du bailleur, après six nouveaux mois d’attente et de démarches. Pour que tout cela change, il faudrait que les élus et les citoyens investissent davantage dans le « vivre ensemble ».

Jean-Claude participe chaque mois à plusieurs rencontres avec d’autres membres d’ATD Quart Monde : trois rencontres liées à l’Université populaire Quart Monde ; deux dans le cadre du programme régional QSEC dont le thème en 2012 est l’argent ; un « Atelier des Talents Divers » qui réunit le troisième jeudi du mois 10 à 15 personnes autour d’activités artistiques et la rencontre mensuelle des membres d’ATD Quart Monde Val d’Oise. « La première fois que j’ai pris le micro à l’université populaire, dit-il, c’était pour raconter comment je vis. » Il garde l’espoir que les familles mal-logées qu’il connaît, ses proches et lui-même finiront par trouver un logement digne.

Yann Richard et Jean-Christophe Sarrot