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Misère, violence et paix

Le rapport final et les conclusions de la recherche-action sur « misère, violence et paix », que le Mouvement international ATD Quart Monde a menée pendant trois ans, viennent d’être publiés. En voici quelques aperçus.

La misère est violence

Ne pas être traité comme devrait être traité un être humain

Aux côtés de la violence des privations se tient une autre violence, tout aussi extrême, celle liée à l’humiliation, au mépris, celle qui nie l’humanité de la personne, « comme si pour eux on n’était pas des êtres humains. » C’est une violence qui entraîne toutes les autres, une succession de non respect, d’humiliations, de discriminations, d’insultes, de dénis des droits fondamentaux allant jusqu’à recevoir physiquement des coups à l’école, au travail, dans la rue. « Non seulement je n’avais rien, mais j’étais réduit à rien. »

La conséquence de l’extrême violence est toujours de réduire au silence celles et ceux qui en sont les victimes.

La misère détruit notre humanité commune, elle crée des barrières qui rendent la communication impossible. Il y a une double violence : celle de la misère d’une part et, d’autre part, celle de l’incompréhension devant la réaction des personnes qui la subissent. Leurs pleurs, leurs cris sont considérés comme une manipulation ; leur colère et leur désaccord sont ressentis comme agression et même leur silence est mal jugé. Ne plus se sentir appartenir à une même humanité empêche les plus pauvres d’oser parler de ce qu’ils ressentent. Les parents se culpabilisent de ne pouvoir offrir une vie digne à leurs enfants, de ne pouvoir les protéger de la violence qui s’installe au sein du quartier et parfois même au sein de la famille. Ces humiliations entraînent souffrance, indignation, colère, sentiment d’injustice et d’abandon. Elles ont comme conséquence la méfiance vis-à-vis du voisinage et des institutions, méfiance qui va jusqu’à fuir l’aide. « C’est ce qui te tue, t’enlève jusqu’à l’envie de vivre. »

Des violences institutionnelles et politiques

Les violences et injustices vécues affectent la liberté et l’intégrité physique et psychique de personnes et de familles, entravent leur avenir, affectent la cohésion d’une société. Pourtant, elles ont atteint un tel degré de banalisation qu’elles ne remettent pas sérieusement en question le fonctionnement des institutions publiques ou de la société civile dont le rôle est de permettre de vivre ensemble, de garantir la sécurité et l’accès au bien commun pour tous.
Les violences institutionnelles deviennent des violences politiques quand elles se légitiment elles-mêmes ou quand elles sont cautionnées par l’État.

En refusant aux personnes les moyens de la participation, l’accès aux processus démocratiques leur est interdit. Les politiques qui visent à réduire d’un certain pourcentage la pauvreté sont elles-mêmes des violences car elles affirment dès le point de départ que tous ne seront pas concernés.

Des projets d’aide et de développement non adaptés aux besoins des personnes

Dans le contexte social et économique actuel, où les projets doivent être efficaces voire rentables très vite, beaucoup d’institutions ne prennent pas le temps de connaître les personnes et familles et de comprendre ce qu’elles espèrent.

Un projet qui ne s’appuie pas sur les relations existant entre les personnes est en soi un projet inadapté. Quand il arrive à son terme, la vie des personnes en situation de pauvreté est plus difficile qu’avant. Ce type de projet divise les communautés et les plus pauvres sont affaiblis et appauvris.

Nombre de propositions pour sortir de la pauvreté se basent sur la capacité de saisir des opportunités. Ne pas avoir su les saisir sera souvent reproché aux très pauvres : « D’autres ont réussi, pourquoi pas vous ! » Mais une opportunité est comme un billet de loterie, il gagne ou il ne gagne pas. Ce n’est pas un droit. Seule la mise en place de véritables droits permet d’atteindre réellement tout le monde, sans se contenter de toucher les plus dynamiques.

Rompre le silence

Pour les professionnels et chercheurs – tant de l’administration publique que de la société civile –, rompre le silence sur la violence de la misère c’est, au préalable, assumer le fait que, dans leurs pratiques, ils peuvent produire eux-mêmes de la violence. Ils ont bien sûr une obligation éthique de dénoncer les injustices. Certains le font d’ailleurs en prenant des risques. Mais dénoncer n’est pas « rompre le silence ». Mettre fin au silence qu’on impose aux personnes qui vivent et luttent contre la violence de la misère, c’est reconnaître leur apport central de connaissance. C’est mettre en place les moyens permettant l’expression de cette connaissance et avoir la volonté de la croiser avec celle de l’université, de l’institution, de l’ONG pour élaborer un nouveau savoir qui transforme les pratiques institutionnelles, les démarches de production de connaissance et la vie quotidienne des plus pauvres.

Chercher la paix

Une vie trop difficile empêche la paix. Les parents qui subissent la violence de la misère veulent avant tout une autre vie pour leurs enfants. Mais trop de souffrances vécues, trop d’humiliations, trop de colère, font qu’il est impossible de trouver la paix intérieure qui permettrait d’éduquer ses enfants avec un espoir pour le futur. La paix ne peut pas se bâtir sans ceux qui ne l’ont pas et sans commencer à changer le quotidien.

Ce n’est pas parce qu’une société vit une paix sociale ou met en œuvre un processus de paix dans les pays en conflits armés, que cette paix est aussi une paix pour les plus pauvres. Ceux-ci paient plus que les autres le prix des crises économiques et ne sont pourtant pas invités aux tables de négociations pour sortir de ces crises.

La construction de la paix ne doit pas seulement peser sur celles et ceux qui sont confrontés à la violence de la misère. Les institutions et les États doivent faire le premier pas. Ainsi la société dans son ensemble est appelée à connaître, reconnaître et rejoindre les efforts de ceux qui résistent à la violence de la misère. La paix est une responsabilité collective qui nous engage tous.

Cette recherche a également fait émerger 13 propositions d’engagements.
Les conclusions de cette recherche ainsi que le rapport final complet sont à lire sur www.atd-quartmonde.org

Le rapport final peut être commandé en Français, Espagnol ou Anglais ici. Voir aussi, sur cette même page, le film « La misère est violence ».