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Marion, étudiante : « Mon année à ATD Quart Monde »

Marion, 20 ans, est étudiante à l’Université de Technologie de Compiègne (UTC). Elle a interrompu ses études pendant un an pour travailler au siège d’Atd Quart Monde à Paris. Elle raconte.« L’UTC est une école d’ingénieurs en 5 ans. À la fin de ma deuxième année, j’ai voulu réaliser un projet mûri de longue date : vivre une expérience dans le domaine de l’humanitaire. » Marion a écrit partout. À l’étranger d’abord, puis en France. Les seules réponses qu’elle a reçues venaient du Secours Catholique et d’Atd Quart Monde.

En octobre 2008, Marion rencontre une responsable d’Atd Quart Monde. « Je ne connaissais pas du tout le Mouvement. Nous avons beaucoup discuté. Je me souviens : elle m’a dit qu’il lui semblait difficile de ne s’engager que pour un an. Or pour moi, un an c’était énorme ! Compte tenu de ce problème, je serai cantonnée dans les bureaux. J’étais un peu déçue. Mais le positionnement du Mouvement, à la fois laïc et plus politique à mes yeux que d’autres associations, m’a plu : on agit auprès des familles démunies, mais aussi en direction de l’Assemblée nationale. »

Il fallait maintenant pour Marion convaincre son école et… ses parents du bien-fondé de son projet. « J’ai toujours été intéressée par les questions humanitaires. J’ai même hésité à suivre un cursus spécialisé dans cette voie. Je suis passionnée aussi par les questions de l’environnement et de l’aménagement du territoire. J’ai donc bâti un argumentaire pour expliquer que cette interruption d’études me permettrait d’appréhender autrement mon futur métier d’ingénieure : en n’oubliant pas toute une partie de la population. »
En mai 2009, Marion a le feu vert de l’Université, d’Atd Quart Monde et de ses parents. On lui propose de commencer dès l’été. Et là, surprise ! « Atd m’envoie douze jours dans la Creuse pour un échange ville-campagne, avec 18 garçons et filles de 10 à 15 ans de Noisy-le-Grand et du Limousin. » Rude apprentissage ! Fille d’une famille aisée d’Antony, Marion découvre un autre monde : « Moi qui voulais du terrain… »

À la rentrée 2009, elle se retrouve au siège d’Atd Quart Monde à Paris, « chargée de la diffusion des outils de communication pour la Journée mondiale du refus de la misère du 17 octobre. » Puis elle passe à l’administration : « Je mets en forme les rapports d’activité destinés aux ministères. Je suis également chargée de la « dynamique jeunesse » en Île-de-France (voir www.djynamo.org). »

Logée au dernier étage du siège, Marion est indemnisée 360 € par mois.
« J’imaginais Atd Quart Monde avant tout comme un mouvement de défense des droits de l’Homme. Je découvre petit à petit combien il prend en compte la parole, l’expertise des plus démunis. Pour moi qui vivais dans ma bulle entre l’UTC et Antony, cette préoccupation restera toujours présente. J’ai pu aussi mesurer combien les gens des bureaux (ici à Atd) et les gens des quartiers n’ont pas la même notion du temps. Il nous faut savoir prendre le temps de s’expliquer, de partager, de nous comprendre. Ça aussi, je ne l’oublierai pas. »
Une déception ? « Au début j’ai été un peu déçue par le peu d’intérêt du Mouvement pour l’environnement et l’écologie. Les spécialistes de l’écologie, comme les futurs ingénieurs de mon école, voient trop le développement durable du côté technologique (les voitures propres, le photovoltaïque, etc.). Ils oublient le volet social d’un développement durable qui met de côté les populations les plus démunies. »

L’interview de Pierre Rabhi – pionnier de l’agriculture biologique -, parue dans Feuille de Route de janvier 2010, l’a rassurée. « Il dit : c’est avec la sobriété que l’on va résoudre la misère, pas avec la richesse. C’est le superflu qui fait tourner la machine à générer la misère (voir aussi l’interpellation de Pierre Saglio au Gouvernement : « Ne pas oublier le pilier « social » du développement durable », dans Feuille de Route, mars 2010). Je m’y retrouve bien. »

En septembre prochain, Marion reprendra ses études d’ingénieure qui la passionnent et « parce que c’est un pacte avec mon père (lui-même ingénieur). Certains copains me disent : tu as bientôt terminé ta bonne action ? Ils n’ont rien compris. Cette année passée à Atd Quart Monde a renforcé et précisé mon projet personnel. Je resterai en contact avec le Mouvement, c’est sûr, d’une manière ou d’une autre. »

Propos recueillis par Didier Williame