
Des lecteurs nous écrivent (août 2011)
Des règles sanitaires qui interdisent le partage
«Plus d’un milliard d’êtres humains meurent de faim sur notre planète, et nous, Français, sommes tenus de faire allégeance à la richissime Europe qui – sous couvert du principe de précaution – nous ordonne de jeter toute nourriture jugée suspecte par les lois qui encadrent notre sécurité individuelle et collective. Dans le cadre d’une association, je m’adresse régulièrement à une population particulièrement défavorisée, celle des gens de la rue. En mai, nous nous sommes trouvés en face d’un jeune homme de 19 ans qui, depuis un an, devait se contenter de trois repas par semaine. Un restaurant nous avait donné des pâtisseries quelques minutes auparavant.
Sans pouvoir réconforter ce jeune homme avec ces quelques douceurs que nous aurions partagées avec lui, nous lui avons proposé le « menu officiel » (conserves sans danger pour lui ni, par contrecoup, pour nous) et, une boule dans l’estomac, nous avons jeté nos gâteaux dans une poubelle. Dans ce restaurant, la veille au soir, j’avais mangé avec appétit la même chose, sans me poser la question de savoir si c’était bon ou nocif pour ma santé. » Mme L., Larmor-Plage (56)
➜ Commentaire de Feuille de route : Les normes sanitaires sont en effet de plus en plus contraignantes. Il est vrai qu’il en faut. Mais jusqu’où le principe de précaution ira-t-il ? Il oblige aujourd’hui à jeter de très nombreuses denrées qui, il y a encore quelques semaines, pouvaient être consommées. Il interdit des projets de repas partagés ou de cuisine communautaire que des familles veulent lancer dans leur quartier, etc.
Se refaire une confiance
« Les personnes qui ont connu l’exclusion à un moment de leur vie et qui, petit à petit, se remettent « dans les rails » ont toujours du mal à se refaire confiance. Elles ont toujours peur qu’à un moment donné, on les rejette. Un ami à moi qui a été SDF pendant plusieurs années a réussi tout seul avec sa ténacité à trouver du travail. C’est un bosseur. En ce moment, il est sur les routes avec son vélo et sa remorque. « Ça roule ! », il me dit. Des fois, il est logé, des fois, il est sous la tente, mais il s’en fiche, il a du travail. Il est heureux d’en être arrivé là, il est enfin reconnu et
apprécié, il est fier d’être lui. Ce sentiment, il ne l’avait plus depuis longtemps.
Malgré tout cela, il me raconte : « Mes collègues de travail m’invitent des fois chez eux, pour un apéro, pour manger, des trucs comme ça, mais je ne suis pas prêt. Je sais que c’est gentil, mais j’ai peur de m’attacher, peur qu’on me lâche après. Tellement de gens m’ont mal traité… Je ne le méritais pas, mais c’était comme çà, j’étais dans la rue, je faisais la manche ! » Il faut du temps pour se refaire une confiance en soi. C’est peut-être ce chemin-là qui est le plus long pour ces personnes qui sortent du tunnel. Regagner la confiance des autres.
C’est pour cela que, nous autres, il faut regarder autrement tous ces exclus et se dire qu’ils ont tous des talents cachés, être solidaires de leurs efforts, ne pas les laisser tomber, les aider à ce qu’ils puissent dire : « J’y suis arrivé, je suis moi ! ». Je lui souhaite de réussir en tout cas, parce qu’il le mérite grandement. » Mme C., Nézignan l’Évêque (34)