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Gérard Bureau : « Crise pour qui ? Refuser l’imposture »

La crise financière a fait peser en quelques mois sur le monde la menace d’une pauvreté généralisée qu’on nomme récession.

Face à cette menace, le monde des gouvernants vient de réagir comme il ne l’avait jamais fait. Dit  autrement, des millions de personnes menacées par la perte de leurs sécurités, sans même descendre dans la rue, ont poussé les 20 pays les plus riches de la planète à décréter dans un temps record des mesures et à débloquer les fonds pour les mettre en œuvre.

Car on a reconnu que la perte de ses biens, la perte de son activité, la perte de ses sécurités, en un mot, la menace de la chute dans la pauvreté était le mal absolu à prévenir.

On a refusé mondialement la pauvreté et l’on vient de montrer que la lutte contre la pauvreté est possible… Mais pour qui? Au nom de qui ? Nous venons surtout d’apprendre « qui » a du prix pour être sauvé de la pauvreté.

On sauve les banques, mais on ne sauve pas les petits producteurs agricoles qui sont la vraie sécurité alimentaire quotidienne de trois milliards d’individus ?

Le modèle d’hier qui jetait des millions de personnes dans la pauvreté pour s’enrichir en a déjà jeté et va  encore en jeter des millions de plus en un temps record pour se sauver. Imposture !

La crise alimentaire de l’année dernière qui a touché les plus pauvres avait été le déclencheur. La presse nous dit ces jours-ci que des millions d’hectares de terres seront cédés à des multinationales pour la sécurité alimentaire.

La sécurité alimentaire de qui ? On sauve les banques, mais on ne sauve pas les petits producteurs agricoles qui sont la vraie sécurité alimentaire quotidienne de trois milliards d’individus ?

On nous dit que cette crise est hors de portée de notre action de citoyens, que nous la subissons tous de toute façon.

Dans le dernier conseil municipal de la ville où j’habite, la majorité municipale a fustigé les responsables mondiaux mais a aussi voté un budget très conséquent pour rénover la maison des associations sans qu’une nouvelle politique de solidarité soit évoquée. C’est cela la réponse à la situation ? Pourquoi cet aveuglement ?

J’ai une réponse : c’est parce que les citoyens de la classe moyenne ne se sentent déjà plus menacés, même s’ils subiront un recul de « pouvoir d’achat » et cela les rassure presque un peu, dédouanés du même coup de faire plus.

Pour ceux parmi nous qui ne subissons pas un nouveau coup vital avec cette crise, avons-nous conscience que nous venons d’être sauvés de la pauvreté ? Avons-nous conscience de la dette que nous avons contractée envers ceux qui paient et subissent pour nous ? Nous entrons dans une nouvelle ère du refus. Au fait, Atd Quart Monde a lancé un appel à signer pour faire front au côté des plus pauvres.

Pour parler vrai sur la crise, allons le faire signer et inventons de nouvelles solidarités, de nouveaux gestes. Le monde n’est pas à sauver comme on nous le propose, il est à réinventer ensemble.

Gérard Bureau, volontaire permanent d’Atd Quart Monde