
Anne-Marie de Pasquale, alliée à ATD Quart Monde : une prof qui n’a pas fini d’apprendre
Quand on voit la sérénité qui se dégage d’elle, on n’est pas étonné d’apprendre qu’Anne-Marie de Pasquale sculpte la pierre (1). Mariée et mère de trois enfants, elle enseigne les mathématiques à l’Institut Universitaire de Technologie de Reims. Elle est aussi artiste et alliée du Mouvement ATD Quart Monde.
De la Seine-Saint-Denis à Reims
Après six années comme ergothérapeuthe (2) en milieu psychiatrique, Anne-Marie a repris des études afin d’obtenir le CAPES (certificat d’aptitude au professorat du second degré) de mathématiques, pour enseigner dans un lycée de Seine-Saint-Denis, puis dans un collège à Reims. « J’aime beaucoup de choses dans la vie et je me vois incapable de n’en faire qu’une seule, explique-t-elle. C’est aussi ce que je dis à mes élèves, qu’il est possible de faire plusieurs choses, à condition de le vouloir et de s’accrocher. » Elle arrive à Reims en 1999. « J’avais une image de la pauvreté très liée à l’immigration, se rappelle-t-elle. À Reims au contraire, certains élèves en grande difficulté venaient de la campagne ou de familles du voyage. Cela m’a bousculée et j’ai voulu comprendre. Je suis allée voir des associations. À ATD Quart Monde, on m’a dit que je devais me former pour comprendre. Je n’avais jamais entendu cela. »
« Alliée »
L’équipe d’ATD Quart Monde propose à Anne-Marie de faire de l’accompagnement scolaire avec des familles du voyage. Peu à peu, elle rentre ainsi dans cette « alliance » avec les plus pauvres qu’ATD Quart Monde propose à la société pour contrer l’exclusion sociale. Que signifie être « alliée » pour Anne-Marie ? « C’est essayer d’apporter du respect quand on parle des personnes qui vivent dans la pauvreté. Auprès de mes collègues enseignants, je trouvais important de dire ce que je faisais à ATD Quart Monde. Je n’en pouvais plus de certaines blagues de salles des professeurs au sujet de familles en difficulté. Être alliée, c’est aussi ne pas hésiter à afficher son engagement. Je viens de la campagne, où le regard des autres était très important. Chacun devait rester à sa place. Aujourd’hui, quand je rencontre dans la rue un jeune sans domicile avec qui j’ai couru les 10 kilomètres de Reims (3), je me sens libre de parler avec lui. » Un parti pris qu’Anne-Marie diffuse dans sa famille et autour d’elle : « Mon mari et moi avons transmis à nos enfants qu’une société se construit avec toute la diversité des personnes. »
Mi-temps
Depuis 2003, Anne-Marie enseigne les maths aux étudiants de l’IUT de Reims qui se destinent à des carrières commerciales. « Nous parlons aussi de comportements, de recherche d’emploi, d’avenir professionnel…, souligne-t-elle. J’essaie d’aider des élèves à trouver des stages. C’est très difficile pour certains, dont les parents sont immigrés ou viennent du milieu rural. Je suis exigeante avec eux et j’ose leur dire que la solution, c’est qu’ils travaillent encore plus que les autres. Souvent, ils le savent déjà. » Il y a trois ans, elle a décidé de quitter la responsabilité de la formation qu’elle dirigeait à l’IUT et de ne plus enseigner qu’à mi-temps. Un choix mal compris par certains de ses collègues pour qui une carrière doit toujours progresser.
17 octobre
Aujourd’hui, ses engagements à ATD Quart Monde sont divers. Elle est membre de l’« équipe d’animation régionale », qui fait le lien entre les différentes actions du Mouvement en Champagne-Ardenne. Anne-Marie participe également à l’Université Populaire Quart Monde à Reims et rédige avec d’autres le journal d’informations régionales, Ensemble. Enfin, elle coordonne la mobilisation qui marque, le 17 octobre de chaque année, à Reims et dans la région, la Journée mondiale du refus de la misère : « La dimension citoyenne est très importante pour moi. Ma place en politique, c’est mon implication dans le 17 octobre, la façon dont cela interpelle les associations, les institutions et le grand public. Cette journée est devenue un rendez-vous important pour tous ces partenaires. »
Député-maire
Autre temps fort citoyen vécu récemment, une rencontre avec le député-maire de Châlons qui faisait partie de la commission travaillant sur une proposition de loi sur l’enfance délaissée et l’adoption. « Avec une autre alliée et un militant qui connaît la grande pauvreté, nous lui avons transmis le fruit de nos travaux avec des personnes en situation de grande exclusion, et en particulier nos inquiétudes sur le soutien qui doit être accordé aux parents d’enfants placés, mais qui n’est pas effectif. Il était important qu’un député entende directement ce que les familles concernées ont à dire. Cela nous encourage à rencontrer les élus et les décideurs, même s’ils ne demandent pas notre avis. »
Et l’art dans tout ça ? « Il faut du temps », sourit Anne-Marie. Elle a participé l’an dernier à la manifestation Manchest’art à Charleville-Mézières (voir page 8). Peut-être animera-t-elle un jour un atelier sculpture avec des familles en situation de grande pauvreté. « Je suis quelqu’un qui veut souvent agir trop rapidement. Mais, pour agir ensemble, il faut de la patience. Je n’ai pas fini d’apprendre », conclut-elle.
Jean-Christophe Sarrot
Contact ATD Quart Monde Champagne-Ardenne : 57 rue de Venise, 51100 Reims, 0326822181, atd.reims@free.fr