
Refusons de vivre dans la peur
Marie-France Zimmer, membre de la Délégation nationale élargie ATD Quart Monde France
J’aimerais vous parler du courage qu’il faut à certains pour faire face à la violence qu’on leur fait.
Il y a quelques jours, une famille est arrivée à l’entrée d’un supermarché, la maman avec un petit dans une poussette, le papa tenant un berger allemand en laisse. La maman est entrée faire ses courses pendant que le papa restait sur le parking. Tout à coup, deux vigiles du magasin ont violemment expulsé la maman du magasin en lui disant que des gens comme elle n’étaient pas les bienvenus. Il s’agissait d’une famille du voyage. La maman a protesté. Elle avait de l’argent pour payer ses courses. Rien n’y a fait. Les vigiles ont demandé au couple de ne pas rester sur le parking qui appartenait au magasin. Le mari a protesté aussi, mais ils ont quitté le parking. Le petit pleurait et la maman s’est arrêtée sur le trottoir pour le calmer. Les vigiles qui les avaient suivis hors du parking ont bousculé la maman sur le trottoir en disant que même là, ils dérangeaient la clientèle. Le papa s’est interposé et s’est fait frapper.
Les passants étaient atterrés, mais aucun n’est intervenu sauf moi. Je n’ai cependant pas pu faire grand chose, à part soutenir la maman pour l’aider à calmer le petit et le papa.
Dignement, la tête haute, ils sont partis. Moi, je me suis jurée de ne plus faire mes courses dans ce magasin.
Il a fallu beaucoup de courage à ce papa pour ne pas répliquer. Ce n’est pas de la lâcheté. Il m’a dit : « Je ne pouvais pas devant le petit. Je ne veux pas qu’il me croie violent. J’ai connu cela et je ne veux pas qu’il vive comme moi dans la peur. »
Je voudrais aussi parler de ces citoyens ordinaires qui, en voulant soutenir des familles en précarité, se retrouvent aussi en butte à la violence des administrations. Ainsi, ce médecin qui exerce près d’un centre d’hébergement et reçoit beaucoup de patients qui viennent de la galère et sont en mauvaise santé. Il s’est retrouvé à devoir payer des indus à la CPAM qui estimait qu’il soignait trop de personnes en attente de leur carte vitale.
Je salue le courage de cette famille, de ce médecin, et de toutes les personnes qui subissent ces violences et font ce qu’elles peuvent pour ne pas y répondre et pour prêter main forte à l’autre.