
Justice et bienfaisance
On ne peut rester insensible aux images qui déferlent, comme chaque année en cette période de « bons sentiments ». Les médias jouent souvent sur le registre de la compassion et des émotions. Mais la solidarité, la justice, c’est bien plus que cela.
Il nous arrive à nous-mêmes, ATD Quart Monde, de faire appel à cette nécessaire générosité. Quand, par exemple, tant de nos projets pilotes nécessitent d’être soutenus par chacun, faute d’argent public, parce que ces projets représentent autant de combats et d’avancées contre l’injustice qui ne visent pas seulement à soulager la misère, mais à rechercher et expérimenter l’accès à l’autonomie et au droit.
Comment cette générosité peut-elle nous conduire à mieux comprendre que les personnes vivant dans la grande pauvreté font partie de notre humanité, de notre société, et qu’elles n’aspirent pas tant à être « aidées » qu’à « ne plus être pauvres et exclues » ?
« La grande dérive – l’échec ? – du caritatif, qu’il soit confessionnel ou non, c’est d’avoir contribué à institutionnaliser le ”traitement” des ”exclus”. Comme s’il y avait d’une part nous et, d’autre part, eux. Nous qui bénéficions peu ou prou d’un égal accès au droit commun. Eux pour qui le droit commun est inaccessible et qui doivent donc bénéficier d’un ”traitement” à part. Le plus grand danger, c’est d’enfermer
”les pauvres”, ”les exclus”, dans ”la pauvreté”, dans ”l’exclusion”. Et de ne plus envisager pour eux que le ”traitement” de cette pauvreté et de cette exclusion » (propos de Lucien Duquesne, repris par Bernard Ginisty sur la radio RCF http://bit.ly/dSmp41).
Au moment où nous sommes sollicités pour ceux qui n’ont rien ou si peu, ce serait une chance formidable pour les pauvres et pour nous tous, si, en répondant à ces appels, nous avions la volonté de mieux comprendre l’espérance folle des pauvres d’en finir avec la pauvreté. Si nous nous décidions à les considérer comme « des nôtres », en refusant d’accepter pour d’autres ce que nous n’acceptons jamais pour nous-mêmes ou pour les nôtres. Alors, notre solidarité, si précieuse et indispensable, nous amènerait à nous construire ensemble.
Pascal Percq