Entrez votre recherche ci-dessous :

Inutile combat ?

La page 8 du dernier Feuille de Route, commune avec Chronique d’Amnesty International France et Message du Secours Catholique, racontait le combat en cours de Danielle, de son frère Philippe et des amis solidaires dans leur commune. Ils avaient quitté leur terrain pour laisser place à une construction. Leur habitat avait été muré avec une partie de leurs affaires à l’intérieur. Ils avaient réagi en s’unissant avec d’autres.
Après des mois de combats, une victoire : le nouveau lotissement comporterait un logement abordable pour leur famille. En attendant, la commune leur proposait une caravane, dans les hauts de la forêt, sans eau. Le combat solidaire a continué et leur a permis d’obtenir l’eau. Mais Danielle a bien senti qu’une famille d’un autre milieu n’aurait pas été traitée de la sorte. Cette discrimination sociale l’a profondément humiliée. « Je suis de la commune depuis trois générations. J’ai quand même une haine », a-t-elle déclaré à l’Université Populaire Quart Monde. Et, en quelques mois, relégués dans leur caravane, son frère et elle ont coulé. Il est décédé en juillet, elle, en août. Le fils de Danielle sera relogé. Le combat est terminé. Le promoteur a appelé pour dire sa stupéfaction, n’ayant pas mesuré qu’ils étaient « si fragiles. » Notre peine est immense.

Et alors… inutile combat ?

Peut-être pas, si, grâce à eux, nous comprenons les dégâts de la violence ordinaire, de la logique d’abandon des plus faibles qui semble faire loi aujourd’hui. Peut-être pas, si vous avez le courage d’en témoigner autour de vous comme l’a fait Thierry, un voisin, le 17 octobre. Qui aujourd’hui osera témoigner contre cette logique ?

Beaucoup, en ces temps de crise, évoquent Darwin. « Abandonner les plus faibles, c’est la nature », aurait-il enseigné. Lisez Darwin : il montre que si les espèces animales ont souvent pour stratégie de survie l’élimination des plus faibles, l’espèce humaine a changé de stratégie: elle s’est mise à protéger les plus faibles, ce qui lui a fait sans cesse inventer et se transformer. C’est cela l’aventure humaine.   Les humains de notre époque disent aimer la nature et la planète. Quand vont-ils oser aimer l’humanité ?

Bruno Tardieu, délégué national d’Atd Quart Monde France