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Inégalités et égale dignité (éditorial du journal Feuille de route de mai 2009)

Editorial de Feuille de route Quart Monde n°384 (mai 2009)

La crise actuelle est une illustration – plus marquée cette fois – de l’immoralité et de l’injustice constantes de notre système économique et financier.

Il est profondément injuste parce qu’il fait peser les risques les plus importants (de précarité, de chômage, d’errance…) sur ceux qui ont le moins de moyens d’y faire face. Il est immoral car il permet que certains gagnent des sommes faramineuses, hors de proportion avec leur courage ou leur mérite et bien au-delà de leurs besoins, alors que deux milliards de personnes meurent de faim et que des millions sont condamnées à l’errance.

L’immoralité du système s’est incrustée dans le domaine des droits fondamentaux. En dépit des efforts de beaucoup, on ne peut pas dire qu’il y ait aujourd’hui, même en France, égalité d’accès au logement, à  l’éducation, à la justice, à la santé…

D’une manière générale, les personnes et les pays qui « réussissent » – qui « s’enrichissent » – sont  magnifiés. Une sorte de cécité collective empêche de voir le côté pervers du système qui crée de telles inégalités.

Plutôt que moraliser le système lui-même, on préfère « aider » les laissés pour compte, pour autant qu’ils  ne remettent pas en cause le modèle de société établi. Ce faisant, on gère la misère au détriment de l’avenir  de ceux qui la subissent et de leurs enfants, au détriment également de l’avenir de tous, tant il est vrai que  nous ne formons qu’une seule et même humanité.

Face à cette situation, Atd Quart Monde n’a cessé de faire entendre sa voix. Militants de l’égale dignité de  tous les êtres humains, nous refusons les inégalités criantes dont notre société s’accommode. Nous  n’acceptons pas qu’elles soient considérées par certains comme moteur de progrès.

Nous manifestons notre extrême réserve face à l’institutionnalisation des distributions de nourriture pour   les pauvres, car elle entérine l’acceptation des inégalités. Nous réaffirmons, avec la loi française de 1998  contre les exclusions, que l’objectif de notre pays doit être l’accès de tous aux droits de tous, au nom de l’égale dignité de chacun.

Si la crise actuelle n’entraîne pas des changements radicaux pour un « nouvel ordre du monde », les  inégalités persisteront et seront cause de davantage de violence et de souffrance. Les progrès d’un pays ne se mesurent pas à l’accumulation de ses richesses – surtout quand elles sont confisquées par quelques-uns –  mais à l’amélioration de la qualité de vie du plus pauvre et du plus exclu.

Pierre Saglio, Président d’Atd Quart Monde France