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Haïti : «Nous vivons avec beaucoup d’inquiétude»

Témoignage d’Élie Estinvil, habitant du quartier de Grande Ravine à Port-au-Prince, le 17 octobre 2012, Journée mondiale du refus de la misère. Lire aussi cet article

« J’ai quatre enfants. La situation n’est pas du tout facile parce que tu vis chaque jour dans un pays où la tristesse, la faim, le chômage maltraitent les gens. Le matin, quand tu te lèves, tu regardes en bas, tu regardes en haut et tu ne sais à quel saint t’adresser pour trouver quelque chose te permettant de résister. Le pire, c’est quand tu as des enfants et que tu ne peux pas leur donner à manger. Quel que soit ce que nous trouvons comme travail, nous le faisons, même quand c’est pour une somme insignifiante. Sans quoi les choses nous seraient beaucoup plus difficiles.

Pour trouver du travail, il faut avoir un soutien. C’est seulement ma femme qui se débrouille pour voir comment trouver cinq gourdes (Monnaie nationale en Haïti), le matin pour que les enfants aillent à l’école. Si je fais un petit job qui me permet d’avoir entre mille et mille cinq cents gourdes, je garde deux cent cinquante gourdes et je donne le reste à ma femme qui sait comment l’utiliser pour les charges de la maison.

Les autorités nous ignorent complètement à Grande Ravine parce que c’est une zone de non droit. Nous habitons vraiment dans une ravine, mais cela ne veut pas dire que nous sommes des animaux. Notre situation doit changer. Nous vivons avec beaucoup d’inquiétude compte tenu du climat d’insécurité qui règne dans la zone.

Pour vivre, nous jouons beaucoup de prudence, parce qu’à n’importe quel moment on peut être victime d’actes de violence. J’ai réfléchi comment retirer mes enfants de la zone, mais je n’ai pas les moyens. Alors, laisser une zone pour aller dans une autre, c’est presque la même chose, parce qu’il y a toujours beaucoup de situations, surtout le chômage, qui pourraient aussi inciter les gens des autres quartiers à des actes de violence.

Comme on parle souvent de reconstruction, moi je crois que ce n’est pas seulement une reconstruction de maisons dont nous avons besoin. Nous avons besoin aussi de reconstruire notre mentalité. Sans quoi le pays ne va pas avancer. Nous devons nous respecter les uns les autres. Nous devons aussi respecter l’opinion de l’autre dans tout ce qui est bon pour le pays. Nous devons prendre conscience, ne garder rancune à personne quels que soient ses moyens matériels. Tout le monde devrait trouver place dans cette reconstruction. Nous devons être tous solidaires pour reconstruire notre quartier. »